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mais comme ce sont observations que nous ne songerions seulement pas à faire s’il ne s’agissait pas de la maison Didot, le lecteur voudra bien n’y attribuer qu’une importance toute relative.

Les livres de voyages sont les seuls qui soient presque aussi nombreux cette année que d’habitude. En première ligne : le récit des quatre voyages du docteur Crevaux dans l’Amérique du Sud. Dans ce quadrilatère que dessinent sur les cartes l’Atlantique, d’une part, et les Andes, de l’autre, le cours de l’Orénoque au nord, et le cours de l’Amazone au sud, il existait encore, il y a quelques années, de vastes régions qui n’étaient guère moins inconnues des géographes que l’Afrique centrale elle-même. Ce sont ces régions que le docteur Crevaux s’était proposé d’explorer ; qu’il avait successivement attaquées par trois points différens, en trois voyages, entrepris coup sûr coup, de 1876 à 1881 ; et c’est le récit fidèle de ces voyages, écrit au jour le jour, encore tout animé de la fièvre de la découverte, que l’on nous donne aujourd’hui. Le compagnon du docteur Crevaux dans le dernier de ces voyages, médecin de la marine comme lui, M. le docteur Lejanne, y a joint quelques notes sur une Excursion chez les Guaranos (ce sont des Indiens de l’Orénoque)[1]

; et, en tête du livre, avec les dernières lettres du malheureux voyageur, une courte notice biographique. Il est à peine utile 

de rappeler qu’en 1880, la Société de géographie décernait sa médaille d’or au docteur Crevaux pour sa laborieuse traversée, de rapides en rapides, depuis Cayenne jusqu’aux Andes. C’est du moins un souvenir qui pourra faire juger aux plus indifférens de la difficulté de l’entreprise, de l’importance du succès et de l’intérêt auquel l’explorateur a droit.

Du livre du docteur Crevaux au livre de M. de Nadaillac sur l’Amérique préhistorique[2] la transition est facile. En effet, c’est peut-être à l’ethnographie du Nouveau-Monde que profiteront surtout les voyages du docteur Crevaux, et c’est la difficile question de l’origine de l’homme américain que M. de Nadaillac a traitée dans son livre. L’homme américain est-il ce qu’on appelle autochtone, et, sinon, d’où vient-il ? Tel est le problème réduit en quatre mots à ses termes essentiels. La place nous manquerait si nous voulions discuter, ou seulement énumérer les nombreuses solutions, plus ou moins probables, que l’on en a données. Bornons-nous à résumer la réponse de M. de Nadaillac. Les races très diverses qui successivement ont peuplé le continent américain, — exception faite, comme aussi bien pour l’Europe, de celles qui ont vécu contemporaines des grands pachydermes et des grands édentés, — sont venues d’Asie, selon toute vraisemblance.

  1. Voyages dans l’Amérique du Sud, par le docteur J. Crevaux, avec 252 gravures sur bois, 1 vol. in-4o ; Hachette.
  2. L’Amérique préhistorique, par M. le marquis de Nadaillac, avec 219 figures dans le texte, 1 vol. in-8o ; G. Masson.