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jour-là Hamadou Cheikou, battu en brèche par les Béleris du Béledougou, contenu au nord par les gens du Massina, se trouvera en contact dans le sud-ouest de son empire avec une puissance formidable. Le jour où des états puissans liés par des traités avec les nations européennes auront remplacé les nombreux royaumes qui se partagent le Soudan à l’heure actuelle, la question de l’abolition de l’esclavage sera bien près d’être résolue. La religion musulmane qui l’autorise, et qui deviendra dans cinquante ans le culte de tous ces peuples, résoudra malgré elle cette tâche difficile, dont l’humanité bénéficiera. La paix seule peut amener un résultat si désirable. Les musulmans ne se font pas captifs entre eux, et le jour prochain où les états fétichistes (Bambaras, Malinkés, Soussous) seront convertis à l’islam, les chasseurs d’esclaves seront obligés d’aller en chercher sur les bords du Congo. Non que je sois pour les musulmans contre les Mandingues, mais l’on est forcé d’avouer en étudiant l’histoire de la Sénégambie, que les populations fétichistes sont en décadence et qu’il est malheureusement trop tard pour les grouper en une nation destinée à arrêter les progrès de l’islamisme.

Quoi qu’il en soit, le rôle de la France est tout indiqué. Elle doit poursuivre résolument une politique pacifique destinée à étendre son influence sur le Soudan central. L’exemple de notre puissante voisine l’Angleterre doit toujours être présent à nos yeux. La tâche à entreprendre est rude, et les compensations que nous réserve le Haut-Niger ne seront pas immédiates.

Il faut que les travaux qui s’exécutent dans le Haut-Sénégal, sous l’initiative patriotique du département de la marine, et la nouvelle campagne que va entreprendre le vaillant colonel Borgnis-Desbordes, rendent la position de la France à jamais assurée dans ces régions. Si l’on ne peut unir l’Algérie au Sénégal par un chemin de fer, on peut essayer de les rattacher l’une à l’autre en faisant des traités avec tous les peuples qui les séparent. C’est le but que doit poursuivre sans relâche notre pays, et je suis heureux, pour ma part, grâce à la mission que le gouvernement m’avait fait l’honneur de me confier, d’avoir pu, en plaçant le Fouta-Djalon et le Bambouk sous le protectorat français, contribuer à cette grande œuvre qui touche à notre avenir colonial en Afrique, car s’attacher ces deux pays (Fouta-Djalon et Bambouk), c’est fermer au gouvernement britannique les routes qui, de la Haute-Gambie et de Free-Town, conduisent au Dioli-Ba (Niger).


M. BAYOL.