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Les villages si coquets des Pouls, bien que n’ayant pas de remparts, sont plus difficiles à prendre que ceux du Fouta-Toro ou du Haut-Sénégal. Chaque case est entourée d’une solide palissade qui se réunit à celle des maisons voisines. Une rangée de vigoureux arbustes (épurges) complète cette défense. Il faudrait faire le siège de chaque maison, et le canon serait d’une faible utilité.

Il y a une véritable organisation municipale dans chaque village. J’ai défini le pouvoir du chef. Immédiatement sous ses ordres viennent des notables, chargés, l’un de la voirie, l’autre de la police, celui-ci marabout des mariages. Les voleurs, si nombreux chez les Pouls, ne jouissent pas longtemps de leurs méfaits ; ils sont généralement retrouvés et le châtiment ne se fait pas attendre.

L’impôt est fondé sur le principe de la dîme. Les chefs de village prélèvent la dîme sur les récoltes et sur les héritages et envoient des cadeaux au chef de la province, lequel, à son tour, est obligé d’en faire à l’almamy. Celui-ci, outre ce qu’il reçoit de chaque chef du Fouta, soit à l’époque de sa nomination, soit à titre gracieux, perçoit encore un tribut sur les peuples soumis et sur les caravanes qui traversent le pays ; enfin il a droit au cinquième du butin fait dans chaque guerre.

La fortune de l’almamy, en esclaves, bœufs, chevaux, moutons, or, étoffes, ai mes, ne tarde pas à devenir considérable ; mais ses revenus sont bien vite dépensés en largesses à ses partisans et surtout en aumônes. En temps de guerre, il contribue à l’entretien de l’armée, mais chaque village doit fournir aussi sa part d’approvisionnement. Ce sont surtout les armes et la poudre que l’almamy distribue à ses soldats.

Les villes ou villages, au Fouta-Djalon, s’appellent des missidas, des mosquées. On désigne sous le nom de foulahsos des agglomérations de cases, quelquefois importantes, où les habitans des missidas viennent pendant la saison des pluies surveiller leurs plantations. C’est autour des foulahsos que se trouvent les parcs à bœufs ; c’est dans les cases que l’on enferme les grains (foigno, riz, maïs), après la récolte. Une marga est formée par plusieurs fouhlasos. Les roumdés sont des réunions de cases habitées par des esclaves. Ils dépendent du foulahso et se trouvent au milieu même des lougans.

Ceci expliquera qu’on ait pu croire à l’existence d’une population très nombreuse au Fouta ; mais si l’on songe que, depuis le mois de juin jusqu’à la fin d’octobre, la plupart des Pouls, surtout les chefs et les gens fortunés, désertent les villes pour aller habiter la campagne, on comprendra que, malgré ses villes, ses margas et ses foulahsos, ce pays, considérable comme étendue, soit relativement peu habité.