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les champs, coupèrent le manioc et répondirent par des insolences, que le latin seul permettrait de rendre aux justes observations de Cheikou-Séry. La querelle dégénéra en bataille, et un esclave fut assommé à coups de bâton.

Le chef de Bailo envoya une députation à l’almamy Oumarou l’informer des troubles qui venaient d’avoir lieu. Celui-ci ne voulut pas trancher le différend, il désigna deux hommes qui furent avec ceux de Bailo trouver Modi-Mamadou Djoué, qui devait, en sa qualité de marabout, prononcer le jugement.

Le chef des Houbbous reçut les envoyés de l’almamy Omar entouré de ses talibès. Il fit un discours sur la religion qui arracha des larmes à toute l’assistance et termina ainsi : « Mes talibès appartiennent à Dieu et à moi ; ils ne doivent rien à l’almamy. »

Les envoyés sortirent de la salle du conseil en laissant tomber ce mot de : Modji ! C’est bon ! que les Pouls emploient toujours à la fin d’un palabre. C’était la guerre. Le tabala (tambour de guerre) retentit dans les provinces de Timbo et de Fougoumba, et quand les Pouls furent réunis, l’almamy Oumarou leur dit que les Houbbous étaient trop puissans, qu’ils voulaient se mettre au-dessus des lois et qu’il fallait les combattre.

Le conseil refusa à l’unanimité de donner des soldats à l’almamy : « C’est ta politique qui a fait les Houbbous puissans. Ce sont nos parens ou nos amis et non des rebelles. — Vous avez le droit de refuser, répondit Oumar, mais vous ne sauriez m’empêcher d’aller les combattre avec mes propres ressources ; j’armerai tous mes esclaves et je les conduirai à la victoire. »

Les anciens de Timbo envoyèrent un courrier à Modi-Djoué le prévenir de l’attaque qui se préparait contre lui, et un grand nombre de Pouls se joignirent à l’almamy, espérant par leur présence hâter la conclusion de la paix.

Après plusieurs rencontres avantageuses pour l’almamy, les anciens le prièrent de cesser une guerre sacrilège, puisque c’étaient des musulmans pouls qui combattaient les uns contre les autres. L’almamy se soumit, mais à regret, à l’avis de ses conseillers, et retourna à Timbo. Il fit appeler son cousin Almamy Ibrahima Sory, qui était à Dara, et lui dit : « Les Pouls viennent de laisser se créer un troisième almamy : c’est le chef des Houbbous, Modi-Djoué. Devons-nous laisser amoindrir notre prestige ? »

Les deux almamys convinrent de faire de concert une nouvelle campagne à la fin de l’hivernage ; mais ils furent devancés par les Houbbous, qui avaient recruté de nombreux partisans. Ces derniers détruisirent un village voisin de Bailo ; mais leur armée échoua à l’attaque du village de Malako, non loin de Donhol-Fella. Almamy Omar et Almamy-Ibrahima Sory arrivèrent sur ces entrefaites avec