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Cette histoire des Obous, ou mieux Houbbous, est intimement liée aux règnes de l’almamy Omar et de l’almamy Alfaia Ibrahima Sory. Elle jette une vive clarté sur la situation politique des Pouls et montre que cette race guerrière a une idée nette du mot patrie, qui semble inconnu à la plupart des nations du Soudan occidental. Elle explique en même temps le fonctionnement de cette constitution bizarre qui serait impossible à réaliser dans nos pays, cependant civilisés, où je suis certain que jamais deux rois ou deux présidens régulièrement élus, possédant les mêmes attributions et devant exercer l’autorité à tour de rôle, ne parviendraient à s’entendre. Il faut l’apathie ou la sagesse de ces noirs barbares pour résoudre un pareil problème ; et pour que cette constitution, qui a plus de cinquante ans d’existence, soit encore debout, je commence à croire avec Mamadou Saidou, qu’il faut que les Pouls aient de la tête et beaucoup de bon sens.

Les Pouls du Fouta-Djalon sont tous musulmans et bon nombre d’entre eux, non contens de s’instruire auprès des marabouts de Fougoumba et du Labé, se rendent sur le fleuve Sénégal et vont dans le pays des Maures compléter leur éducation. Au début du règne de l’almamy Oumarou, un chef appelé Modi Mamadou Djoué, qui habitait à Laminia, dans le diwal de Fodé-Hadji, vint à Podor et fut ensuite dans le Gannar, sur la rive droite du Sénégal, où un chef maure, appelé Cheïk Sidïa, fit de lui un marabout fervent et instruit. Il revint sept ans après au Fouta, se retira dans sa maison de Laminia et commença à prêcher. Sa réputation ne tarda pas à se répandre ; on vint de tous les points du Fouta-Djalon voir cet homme vénéré et lui demander des prières. Les chefs lui confièrent leurs fils. Alfa Ibrahima, frère de l’almamy Oumarou aujourd’hui almamy des Pouls sous le nom d’Ibrahima Sory, vécut quelque temps auprès de Modi Mamadou et fut un de ses talibés favoris. Le village de Laminia acquit de l’importance ; les élèves et les admirateurs de Modi Djoué prirent le nom de Houbbous. (Houbbou rasou Lallaï : Quelqu’un qui aime bien Dieu.)

Une querelle insignifiante donna l’occasion à ce chef religieux de compter ses partisans et de s’ériger en chef politique, indépendant de l’almamy de Timbo.

Au sud du Fella Coumtat, existe une région montagneuse, d’un abord difficile et qui s’étend à plusieurs journées de marche dans la direction de Falaba. De nombreux villages pouls, amis de Modi Mamadou, étaient cachés dans les montagnes ; ils considéraient le pays comme leur appartenant. Cheikou Séry, fils du chef de Bailo, et son ami Mamadou Salifou vinrent à cette époque élever un roumdé (maison de campagne) dans ces montagnes et firent des plantations de manioc. Des élèves de Modi Mohamadou dévastèrent