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chef suprême. Personne ne l’atteignit, et les Pouls se prosternèrent de nouveau, demandant à Dieu de les protéger dans la guerre qu’ils allaient entreprendre pour l’islam. »

Nous avons vu plus haut que c’est à Karamoko Alfa que furent confiées les destinées de son pays.

L’armée était prête, et l’on ne tarda pas à se mettre en campagne. Ava Bouramo et Condé Bouramo, chefs du Ouassoulou et du Sangarou, avaient quitté les bords du Niger et s’étaient rapprochés du Ba-Fing. Les deux armées ne tardèrent pas à être en présence ; malheureusement, Karamoko Alfa ne fut pas à la hauteur de sa mission, et malgré la bravoure de son fils Modi Salafou, il fut complètement défait et obligé de battre en retraite.

Les chefs mandingues envahirent le Fouta, remportèrent de nouveaux avantages sur les Pouls et élevèrent une forteresse (tata] non loin de Fougoumba, d’où ils se répandirent dans la campagne et ne tardèrent pas à semer la terreur dans le pays.

Karamako Alfa avait eu la raison ébranlée par tous ces désastres. Il ne pouvait rester à la tête du gouvernement. On songea à le remplacer. Tierno Colladé insista pour qu’on nommât Alfa Salifou, mais Modi Maka fit pencher la balance en faveur du cousin germain de Karamoko, Alfa Ibrahimo, fils de Malik Sy. À peine nommé, celui-ci réunissait tous ses parens (il avait une centaine d’enfans), attaquait bravement l’armée du Ouassoulou et tuait ses deux chefs sur les bords du marigot de Sirakouré, non loin du mont Kourou. Ibrahima, poursuivant ses avantages, rejeta bientôt les Mandingues sur le Niger. C’est dans cette brillante campagne qu’Alfa Ibrahima eut à combattre une amazone, femme de Condé Bouramo ; plus heureuse que Penthésilée, qui périt sous les coups d’Achille en combattant pour les Troyens, l’amazone africaine, d’après M. Lambert, aurait été épargnée par le chef poul.

Le Fouta était sauvé. L’assemblée des anciens, réunie à Fougoumba, décerna à Ibrahima le titre de cheikou, qui correspond à celui de ghâzi décerné à Osman-Pacha pour la bravoure qu’il avait déployée en défendant Plewna contre les Russes. Cheikou Ibrahima continua à combattre les infidèles et agrandit rapidement le territoire de son pays. Pour le récompenser des services rendus aux Pouls, les chefs réunis en assemblée solennelle le proclamèrent almamy, à la condition formelle qu’il reconnaîtrait toujours au conseil des anciens le droit de donner son avis sur toutes les questions de politique intérieure et extérieure ; que de plus ses successeurs, pris dans sa famille, seraient d’abord reconnus comme tels par un vote de l’assemblée.

L’investiture du nouvel almamy aurait toujours lieu à Fougoumba, et ce serait le chef de cet endroit qui mettrait sur le front de l’almamy