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Depuis quelques années, le gouvernement a encouragé les voyages d’exploration destinés à nous faire connaître ce Soudan mystérieux sur lequel on fonde de si grandes espérances. Le massacre de la mission Flatters a interrompu les études du tracé du chemin de fer transsaharien, et les difficultés survenues en Tunisie renvoient forcément à plus tard toute tentative de communication de l’Algérie au Soudan par le Sahara. Nous pensons qu’en attendant c’est vers le lac Tchad que l’on doit se diriger. Là, d’après Barth, d’après le docteur Nachtigal, la population est dense, et les produits abondans pourraient donner lieu à de fructueux échanges. La pacification de la Tunisie permettra d’aborder cette question. La Tunisie, en effet, est mieux placée que l’Algérie pour commercer avec les habitans du Bornou, du Baguirmi et du Haoussa. Si le projet de M. Roudaire était d’une exécution facile, il contribuerait puissamment à faciliter nos relations avec le Soudan. De la région des chotts au lac Tchad, par Ghadâmès et Ruât, on suit une véritable ligne droite ; ce serait le tracé le plus court pour une voie ferrée. Les marchandises arriveraient sur les bords de la mer intérieure, d’où elles seraient transportées rapidement à la métropole.

Pendant que l’on essayait d’arriver sur le Niger en partant d’Alger, plusieurs missions avaient été envoyées du Sénégal dans la direction de Ségou. Un crédit avait été voté par les chambres pour les études préliminaires d’un chemin de fer unissant Médine, port français situé sur le fleuve Sénégal, à Bamako, sur le Djoliba (Niger). — La mission Gallieni, puis la mission Desbordes, donnaient des renseignemens complets sur les pays compris entre Bafoulabé, point extrême occupé par nos soldats, et le pays de Ségou. Les rapports remarquables des officiers chargés du levé topographique, M. le capitaine Vallière et, après lui, M. le commandant Derrien, démontrèrent la facilité qu’il y aurait à construire une voie ferrée. Les travaux sont actuellement en cours d’exécution. Le parlement vient, dans sa dernière session, de voter de nouveaux crédits pour poursuivre cette entreprise.

La vallée de Ba-Khoy et celle de Ba-Oulé, que devra suivre le chemin de fer, ne sont pas peuplées. Ces pays, dévastés par les guerres religieuses au temps d’El-Hàdj Omar, le père d’Hamadou, roi actuel de Ségou-Sikoro, sont dans un état peu florissant. Il est probable qu’avec la paix, que notre présence doit amener, les centres de population augmenteront, de nouveaux villages s’élèveront dans le voisinage du chemin de fer, et les habitans du Kaarta et du Bakbounou, laissant une partie des leurs occupés à leurs lougans (champs), viendront s’établir sur la route commerciale.

Au point de vue économique, il reste à savoir si l’on pourra créer aisément des besoins chez ces peuples un peu primitifs, quels