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séduit ; j’aurais été heureux d’en signaler les avantages probables comme devant donner une sanction pratique aux idées théoriques que je viens d’exposer sur le climat de la zone méditerranéenne. En principe, l’interposition d’une nouvelle masse d’eau évaporante sur le parcours des vents régnans doit produire une amélioration ; mais par le fait même que cette amélioration doit se généraliser sur une immense surface, elle ne saurait localiser ses effets. L’action produite serait énorme s’il s’agissait d’une mer intérieure de dimensions comparables à celles de la Méditerranée ; elle serait insignifiante avec le Mel-Rir.

Parmi les avantages que pourrait avoir l’ouverture de la petite mer saharienne, il en est un autre que je regrette, je dois l’avouer, d’avoir vu signaler sans une expresse réserve dans le rapport officiel, celui de nous créer une frontière artificielle et d’opposer une barrière à la barbarie, au sud de nos possessions algériennes. Les civilisations en décadence seules ont jamais pu songer à des barrières de ce genre. L’exemple de la Chine et du Bas-Empire nous montre assez combien ces moyens de défense, murs ou fossés, sont inefficaces. Ce n’est point en leur opposant des obstacles matériels, mais en les subjuguant par la force, en les dominant par son influence morale, qu’une nation qui, comme la nôtre, se pique d’être à la tête de la civilisation, sait se faire respecter par des peuples barbares.

Dans ce grand mouvement d’expansion qui se prépare et qui finira par uniformiser la civilisation à la surface du globe, la France aura sans doute à jouer un grand rôle, auquel elle renoncerait en fait si elle voulait le restreindre dans de trop étroites limites.

Les nations voisines nous donnent à cet égard de grands exemples à suivre : l’Angleterre et la Russie ne négligent rien pour asseoir leur suprématie politique et civilisatrice sur la zone méridionale de l’ancien monde vers l’Orient. La première y est déjà parvenue par la voie maritime, dont le déblaiement de Suez vient de faire disparaître le dernier obstacle matériel. La Russie y tend par une voie moins prompte, mais plus sûre : l’occupation préalable des déserts de l’Asie centrale sur lesquels elle étend chaque jour son empire.

Un champ tout aussi vaste nous est ouvert dans l’Afrique centrale, dont l’occupation de l’Algérie et de la Tunisie nous assurent l’accès exclusif. Là est pour nous l’œuvre capitale qui devrait nous intéresser aujourd’hui, non moins importante, relativement plus facile, que celle à laquelle la Russie consacre de si généreux efforts. Si, comme elle, nous avons le désert à franchir au début, nous ne rencontrerons pas l’inexpugnable rempart des âpres montagnes qui défendent au nord l’approche de la Chine et de l’Inde. Une fois le Sahara traversé, nous nous trouverons de plain-pied dans le bassin