formé non d’une bande de sables ou d’alluvions récentes, mais d’assises géologiques beaucoup plus anciennes, d’une grande largeur, d’une hauteur de plus de 40 mètres, à la surface desquelles on a même trouvé des débris d’habitations préhistoriques. Et, ce qui était beaucoup moins prévu, on a constaté que les deux chotts tunisiens du Djérid et du Féjij, au lieu d’être inférieurs au niveau de la mer, lui étaient supérieurs de 15 à 20 mètres.
Dans ces conditions, l’ouverture de la mer saharienne voyait ses difficultés s’accroître, à mesure que se réduirait son importance. La cuvette à remplir ne présentait pas plus de 8,000 kilomètres carrés ; et, pour l’atteindre, il faudrait ouvrir un canal de jonction qui n’aurait pas moins de 260 kilomètres de longueur, à travers des bas-fonds ayant une altitude minimum de 15 mètres, présentant des seuils saillans de plus de 40 mètres. Tel est le profil de sol suivant lequel on aurait à creuser, non pas une simple rigole de dessèchement, mais un fleuve d’eau salée qui, pour suffire à une évaporation journalière de 180 millions de mètres cubes d’eau environ, soit 1,000 mètres cubes à la seconde[1], devrait avoir au minimum 200 mètres de largeur sur 10 mètres de profondeur.
Je n’insisterai pas sur les difficultés pratiques d’un tel travail qui nécessiterait un terrassement de près de 1 milliard de mètres cubes de déblais, dix fois plus que n’en a réclamé le canal de Suez. Je ne m’arrêterai pas sur l’influence certaine de l’évaporation qui, s’exerçant chaque jour sur un approvisionnement sans cesse renouvelé d’eau de mer, transformerait dans un laps de temps assez court la cuvette du Mel-Rir en un gigantesque bloc de sel. Vainement on objecterait ce qui se passe dans un canal ouvert des deux bouts, comme celui de Suez ou le détroit de Gibraltar, dans lesquels un courant constant ou alternatif, renouvelant les eaux inférieures, les débarrasse d’un excès de salure. Il s’agit ici d’un véritable fleuve d’eau salée, coulant toujours dans le même sens, avec une pente qui ne saurait être nulle, dans lequel les eaux concentrées ne pourraient pas plus remonter du Mel-Rir à Gabès, que les eaux salées de la Méditerranée ne remontent le Rhône, de son embouchure à Beaucaire ou à Valence.
La commission supérieure chargée de l’examen du projet, reculant devant ces difficultés que le rapport ministériel ne lui avait pas
- ↑ La commission est arrivée dans son rapport, à des chiffres quatre et cinq fois plus faibles, par suite de l’insuffisance de son coefficient d’évaporation. Elle a admis qu’il ne dépasserait pas en moyenne 0m,063 par jour, lm,08 par an. Or déjà l’évaporation annuelle s’élève au double, à 2 mètres, sur nos côtes de France. Nous avons vu plus haut que, pendant la durée de l’exploration Choisy, en hiver, dans une saison exceptionnellement humide et pluvieuse, l’évaporation journalière, au Sahara, avait dépassé 0m,067. On ne saurait sérieusement supposer qu’elle puisse être inférieure à une moyenne journalière de 0m,01, soit pour l’année entière un volume d’eau à emprunter à la Méditerranée de 30 et non de 6 milliards de mètres cubes.