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des vapeurs supérieures, dans un air inférieur saturé d’humidité, déterminent sur nos côtes de l’Océan ces grains journaliers, ces ondées soudaines qui se produisent presque sans nuages, par la simple condensation des vapeurs inférieures entraînées par les premières gouttes de pluie.

Quelques chiffres feront mieux comprendre encore l’importance et la généralité de ce caractère distinctif de siccité atmosphérique, d’évaporation relative, qui, plus encore que l’abondance ou la répartition des pluies, différencie les climats.

En principe, la quantité d’eau pluviale étant moyennement égale à l’évaporation annuelle, la surface des mers étant trois fois supérieure à celle des continens, la même proportion de 3 à 1 devrait exister entre la surface évaporante d’une cuvette recevant intégralement les eaux d’un certain nombre de versans et l’étendue superficielle de ces versans. Pour l’ensemble du bassin hydrologique de la Méditerranée, compris presque en entier dans les limites de la zone centrale de sécheresse, nous avons vu que le rapport de la surface maritime à la surface terrestre n’est que de 4 à 25, soit une proportion dix-sept fois moindre que la proportion normale ; et ce chiffre déjà su réduit est cependant bien loin de présenter la réalité du rapport.

L’évaporation superficielle mesurée sur le littoral de la Méditerranée s’élève à près de 2 mètres sur nos côtes, à plus de 3 mètres sur les côtes d’Afrique, et dans les îles intermédiaires, comme la Corse et les Baléares, ne paraît pas être au-dessous de la moyenne de 2m,50, qu’on pourrait attribuer à l’ensemble de la surface d’évaporation. La tranche d’eau pluviale également annuelle ne dépasse pas 0m,80. La différence représente pour l’ensemble une lame d’eau de 1m,70, ce qui pour la totalité de la cuvette répond à une évaporation moyenne de 170,000 mètres à la seconde.

Pour combler ce déficit, la Méditerranée reçoit à peine 30,000 mètres cubes de ses divers affluens, dont moitié au moins provenant du Danube et du Nil qui lui apportent les eaux de bassins situés en dehors de sa zone climatologique. La différence, soit environ 140,000 mètres à la seconde, doit nécessairement provenir de l’Océan par le détroit de Gibraltar.

Si cette coupure géologique, qui n’a pas plus de 15 kilomètres de largeur, venait à se fermer, la Méditerranée, ne recevant plus que ses affluens directs, devrait peu à peu restreindre sa surface évaporante dans le rapport de 3 à 17, soit à 1/6 de son étendue actuelle. Dans ces limites nouvelles, notre mer intérieure, abaissant son niveau, de plus de 1,000 mètres peut-être, se réduirait à deux cuvettes distinctes, dont l’une grande à peine comme la Caspienne, concentrerait les eaux de la Mer-Noire transformée en lac d’eau