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terrain stable, plus ou moins élevé, plus ou moins large, à quelles limites de hauteur et d’épaisseur devons-nous admettre que la lagune intérieure aura décidément cessé de faire partie du domaine de la Méditerranée pour mériter le nom de bassin fermé ?

Prenons un autre exemple comme type de bassin fermé, en apparence moins contestable ; choisissons la mer Caspienne. Son niveau, on le sait, s’est abaissé à 25 mètres au-dessous du niveau de la Mer-Noire, dont elle n’est séparée que par un isthme assez large, il est vrai, mais qui, au nord, vis-à-vis de la mer d’Azof, se creuse par la profonde dépression de Manitch, sorte de canal naturel prêt à unir les deux mers.

L’abaissement relatif de la mer Caspienne provient de la grande inégalité qui existe entre la quantité d’eau pluviale tombée sur son bassin et la tranche d’eau évaporée à sa surface. Si le rapport entre ces deux nombres était sensiblement égal à la moyenne de trois quarts, — rapport de la surface des mers, qui produisent l’évaporation, à la surface totale du globe qui reçoit les pluies, — le niveau de la Caspienne, s’élevant progressivement, débordant par la dépression de Manitch, se joindrait à la Mer-Noire par un nouveau Bosphore qui ne tarderait pas à s’approfondir jusqu’à ce que les eaux se trouvassent en équilibre de niveau entre la mer intérieure et l’ensemble des océans. Un effet inverse, ayant en fait même résultat, se produirait si, par un travail qui n’aurait humainement rien d’impossible, on fermait le Bosphore par une digue assez puissante pour empêcher le trop plein des eaux de la Mer-Noire d’affluer dans la Méditerranée. Remontant à un niveau de plus en plus élevé, il pourrait se faire que, ces eaux dépassant le seuil de Manitch, se déversassent dans la cuvette de la Caspienne. Peut-on admettre que des changemens qui résulteraient d’une simple modification météorologique dans le premier cas, d’un travail de main d’homme dans le second, mais qui n’altéreraient en rien le relief continental de cette partie du globe, pussent en modifier la nature géographique ? One même définition indépendante de cette déviation accidentelle des eaux de surface ne doit-elle pas grouper ces diverses parties d’un même tout ?

Ce que je viens de dire de la mer Caspienne, bien plus encore je pourrais le répéter de la mer d’Aral, qui, par le fait de circonstances particulières, se trouve naturellement soumise à des déplacemens périodiques qui, tour à tour, en font une cuvette fermée ou la mettent en communication avec la Caspienne.

Je crois donc, — et la suite de cette étude le démontrera mieux encore, — qu’il conviendrait de supprimer de notre nomenclature géographique la catégorie trop peu distincte des bassins fermés. De même que, dans le droit féodal, toute terre devait avoir son seigneur, de même, dans le droit géographique, tout versant doit