Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/836

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

député reconnaît qu’il faut de l’argent, mais il a sa petite recette et son petit impôt qui rapportera plus qu’il ne faut. Un autre va jusqu’à admettre le principe de l’impôt, mais le mode de perception est détestable ; pour lui la forme emporte le fond ; il ne peut émettre un vote favorable. Au jour du scrutin, les deux camps se mêlent au hasard et on aboutit à l’impuissance et à la confusion.

En Grèce, le régime parlementaire offre les mêmes tableaux qu’en Italie, mais avec des teintes plus sombres. Au lieu de vrais partis politiques, il n’y a que des nuances et des groupes. Quelques représentans se rallient autour d’un chef dont ils acceptent le mot d’ordre ; ils constituent ainsi un certain nombre de factions qui se combattent ou se coalisent, qui tantôt soutiennent le ministère et tantôt le renversent, suivant l’intérêt du moment. Ils ne sont séparés que par des questions accessoires qui intéressent peu le pays. Aux élections, ils ont été nommés par des influences personnelles ou locales et non pour faire prévaloir telle ou telle ligne de conduite dans la marche générale des affaires. Les candidats élus arrivent ainsi libres de tout engagement. Ils peuvent se porter à droite ou à gauche, suivant que le commande ou l’intérêt de leur arrondissement ou leur intérêt propre. Un député ministériel a-t-il été réélu, rien ne garantit qu’il soutiendra encore le ministère. Il n’y est tenu ni par ce qu’il doit à ses commettans ni par ce que lui impose son honneur politique ou la logique de ses propres opinions. Ce que ses électeurs attendent de lui, c’est qu’il obtienne pour eux, du gouvernement, le plus de faveurs possible. Ils savent que, pour cela, il lui faut une indépendance complète de tout lien et une liberté complète de voter à sa guise. C’est ainsi que son appui sera le plus recherché et le mieux rémunéré, je ne veux pas dire en argent, mais en places pour ses amis et ses électeurs bien pensans, ou en subsides et travaux pour sa localité. Plus grande serra la part des dépouilles opimes que lui vaut la conquête du pouvoir, plus il en sera fier et plus le canton qui l’a élu lui sera reconnaissant. Au début d’une session, la chambre est une mêlée confuse. On ignore qui est ami ou ennemi. Nul ne s’est engagé d’une façon précise. De cette matière chaotique les politiciens et les chefs reconnus tirent une clientèle qui les suit dans les combats journaliers. Ils forment leur bande et chacun s’efforce d’avoir la plus nombreuse. Alors commencent des luttes parlementaires dont il est impossible de prévoir l’issue. Comme l’a dit ici même M. Émile Burnouf (1870), tous les députés sont d’abord ministériels, mais bientôt ceux-là seuls restent fidèles dont l’appétit a été satisfait. Comme la table n’est pas assez abondamment servie pour rassasier tout ce monde d’allâmes, le nombre des mécontens va croissant. Ils