Tocqueville a montré d’une façon magistrale que le triomphe de la démocratie était partout inévitable, parce que ses progrès sont « le fait le plus continu, le plus ancien et le plus permanent que l’on connaisse dans l’histoire. » Y voyant une sorte de loi providentielle, il a parfaitement décrit ce fait, mais il ne semble pas avoir aperçu aussi clairement les causes qui le produisent. Ces causes sont économiques : elles sont donc universelles. Elles agissent de même dans tous les états civilisés, sous le sceptre autocratique de l’empereur de Russie et à l’ombre de l’épée de l’empereur d’Allemagne, non moins que dans la république française ou dans celle des États-Unis.
La cause principale qui assure le triomphe de la démocratie est l’application de la science et de la mécanique à l’industrie. Cette action est générale, lente, invisible et irrésistible. Elle s’exerce dans tous les domaines de la vie sociale. Son principal instrument est la presse, qui répand à l’instant dans les foules les idées nouvelles.