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avaient perdu, dès le XIIIe et le XIVe siècle, leur ancienne acception et ne représentaient plus, comme cela avait été dans le principe, des charges militaires. Les ducs étaient d’abord les officiers auxquels le roi donnait un grand commandement, les généraux d’armée (en latin duces) ; les marquis, ceux qui commandaient sur les marches ou frontières ; les comtes (en latin comites), les gouverneurs de province, choisis d’ordinaire parmi les leudes ou compagnons du roi ; les lieutenans de ces comtes, résidant dans certaines villes ou certains cantons de la province, portaient le titre de vice-comte ou vicomte et n’étaient parfois, comme ils le demeurèrent en Normandie, que d’un rang fort inférieur ; ailleurs ils devinrent de gros personnages et finirent par se rendre indépendans du comte. Le terme de baron avait eu primitivement un sens générique. Ce mot, vraisemblablement d’origine celtique, signifiait simplement homme puissant. Les principaux vassaux du roi et des grands feudataires étaient qualifiés de barons. Voilà comment la dénomination de baronnie fut appliquée à un fief d’une étendue notable et comptant bon nombre de vassaux. Elle resta attachée à diverses seigneuries auxquelles n’était pas donnée l’une des qualifications de marquisat, de comté ou de vicomte et qui étaient généralement de moindre importance que celles qu’on désignait par ces appellations. Tout cela formait l’ensemble des fiefs de dignité, et, quoique les barons et les comtes fussent réputés de moindre rang que les ducs et les marquis, il n’y eut pas entre eux une hiérarchie nettement arrêtée. Les fiefs auxquels ces dénominations respectives s’appliquaient ayant passé par diverses vicissitudes, ils subirent des diminutions ou des augmentations. De la sorte, telle seigneurie qui n’avait que le titre de vicomte, par exemple, devint beaucoup plus importante que tel comté et prit en fait le pas sur lui ; tel marquisat devint aussi important que tel duché. Il régna conséquemment une grande inégalité entre les fiefs de dignité de dénomination identique. Le titre qu’ils conféraient perdit peu à peu, à dater du XVIIe siècle, son caractère féodal pour devenir une simple qualification nobiliaire d’un rang élevé. Voilà comment le titre de comte était donné aux ambassadeurs pendant leur mission près d’une cour étrangère, comment les membres de certains chapitres, par exemple, les chanoines de Lyon, de Brioude, de la collégiale de Mâcon, prenaient tous la qualification de comte. Lors des érections de terres en pairies, des comtés et des marquisats reçurent quelquefois ce privilège et se trouvèrent par là placés au-dessus de ceux des duchés auxquels n’était pas attachée la pairie. Cependant en France et en divers autres états de l’Europe, à dater environ du XVIe siècle, on adopta pour les titres nobiliaires une certaine hiérarchie qui différa peu d’un pays à l’autre. Elle fit