tout à coup d’un autre côté, qu’un nouveau mécompte, plus grave encore que le premier, se produisait. Cette fois, c’était M. le ministre des travaux publics qui arrivait avec des révélations inattendues et passablement inquiétantes. On avait inscrit au budget extraordinaire 289 millions pour les chemins de fer ; ce n’était plus assez, c’était 583 ou 587 millions qu’il fallait, rien que pour continuer les travaux en cours d’exécution. Avec toutes sortes de réductions et de combinaisons, on pourrait peut-être atténuer un peu la différence : il resterait dans tous les cas un déficit de près de 200 millions. Sortir de là n’est pas chose facile, on en conviendra, et la patience de la commission du budget, particulièrement de son rapporteur, M. Ribot, est mise à une rude épreuve. Tout cela, en effet, est bien étrange ; et d’où peuvent venir ces erreurs, ces confusions, ces mécomptes ? Ils viennent d’un fait évident. C’est qu’on est allé au hasard, dispersant et gaspillant les ressources de l’état dans des intérêts locaux et électoraux ; c’est que le fameux programme de M. de Freycinet s’est étendu par degrés de 8,000 kilomètres à 15,000, puis à 20,000 kilomètres, et que la dépense prévue de 4 milliards est montée à 6 milliards, à 9 milliards, peut-être plus, si bien qu’on est aujourd’hui dans l’inconnu, en face de surprises toujours possibles, funestes pour la fortune publique.
Un incident de ce genre, si extraordinaire qu’il soit, n’est point évidemment accidentel et isolé ; il se lie à toute une politique, à la situation financière tout entière, à cette situation sur laquelle M. Léon Say vient de jeter un jour singulièrement saisissant. L’ancien ministre des finances est certes compétent et sait ce dont il parle. On peut dire que, cette fois, il tranche dans le vif. D’un ton net et décidé, il dévoila toutes les incohérences administratives et financières du moment. Il montre que tout ce qui arrive tient, d’une part, à l’exagération des dépenses en toute chose, à l’abus des crédits, aux faux systèmes, et, d’un autre côté, à la décroissance des ressources de l’état sous l’influence des fausses directions, à la désorganisation croissante des services par les épurations de parti, par l’intervention des députés. Oui, en vérité, M. Léon Say ne craint pas de déclarer que « jamais l’abus des recommandations n’a été poussé aussi loin que depuis quelques années, » que « cela ressemble à l’ancien régime, » et que toute la tactique des chefs de service consiste à satisfaire le plus de députés possible. Il n’hésite pas à dire devant le pays qu’on a surexcité outre mesure l’esprit de dénonciation, qu’on a découragé par la menace et par la délation les serviteurs de l’état, qu’en certains momens, « on a recherché les relations que des enfans de seize ans pouvaient avoir avec des adversaires du gouvernement avant de les admettre comme surnuméraires dans les bureaux de l’enregistrement et des contributions indirectes. » Il parle ainsi sans se refuser, chemin faisant, les