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et c’est une autre qui porte les beaux atours naguère commandés pour elle ! M. Garraud, qui joue Cossé, se porte, lui, le mieux du monde. De même, MM. Prudhon, Boucher, Baillet, Joliet, Villain, Davrigny, de Féraudy, Paul Reney… Puissent les noms sonores dont ils s’appellent, Gordes, Pienne, Montmorency, Vic, Brion, etc., les consoler de la sottise et de l’ignominie de leurs personnages ! À dessein, je ne nomme pas Marot, préférant, pour la confrérie, cacher la présence d’un homme de lettres en cette affaire.

On a raconté partout quelle munificence et quel soin M. Perrin avait mis à cette reprise. Peut-être, à parler franc, n’a-t-il été que trop scrupuleux. Certaines minuties de mise en scène détournent notre attention du drame. À Dieu ne plaise que je blâme la musique de M. Delibes, exécutée dans la coulisse pendant presque tout le premier acte ! Mais il y a pour le quatrième acte toute une partition d’orage qui donne un accompagnement terrible à Mlle Bartet. Quand le tonnerre et la pluie ne couvrent pas sa voix, ils accaparent au moins une bonne partie de la curiosité du public. Il est vrai que rarement la pluie, et toute sorte de pluie, fut mieux imitée : pluie cinglante, pluie verticale, pluie fine, pluie à grosses gouttes. Nous ne dirons pas que ce divertissement soit ennuyeux comme la pluie ; nous dirons seulement qu’il eût fait tomber, en fatiguant ses oreilles, un enthousiasme plus violent que celui du public de cette soirée : petite pluie abat grand vent.

D’autre part, en admirant tout ce luxe, qui sied à la dignité de la Comédie, on se demande si ce drame joué sur un autre théâtre, et plus à la diable, n’aurait pas mieux réussi. Ni la beauté des décors et des costumes, ni l’autorité de la maison ne sauvent tel manquement à la vraisemblance, tel manquement aux bienséances : l’un et l’autre, au contraire, paraissent plus choquans à cette place et dans ce magnifique appareil. La majesté de cette demeura, les habitudes de décence et de mesure de ses hôtes, leur importance de gens riches se prêtent mal aux mouvemens désordonné de ce poème dramatique. Tel quel, est-ce un drame ? Je serais curieux de le voir jouer à l’Ambigu. Est-ce un poème ? Je vais le relire dans mon fauteuil.


LOUIS GANDERAX.