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jusqu’au cercle polaire. La lumière d’un globe solaire moins condensé aurait été par cela même plus calme. C’est justement ce qui semble avoir eu lieu dans l’âge où nous nous transportons par la pensée. Les zones polaires y font visiblement place à un climat uniformisé, ainsi que le démontre la présence des houilles du 35e au 80e degré de latitude, sans variations sensibles dans la composition de la flore. L’égalisation absolue du climat à travers les hémisphères, du Brésil à la terre Melville et au Spitzberg, concorde si bien avec la supposition d’un soleil encore très loin du degré de condensation auquel il est ensuite parvenu, que nous ne pouvons nous empêcher de proposer cette hypothèse comme la moins invraisemblable de toutes.

Le troisième élément de la question à définir, la disposition matérielle des lieux, plus décisif encore que les deux autres, était celui qui soulevait le plus de difficultés. Dès l’abord, deux systèmes se trouvèrent en présence avec leurs défenseurs respectifs. L’un que nous avons vu poindre dans le mémoire de Jussieu, expliquait la houille par des transports de végétaux lointains, opérés soit à l’aide de courans marins et à de grandes distances, soit au moyen des eaux d’un fleuve, accumulant à son embouchure des débris entraînés du fond des forêts.

Les partisans de ce premier système n’étaient pas généralement des naturalistes de profession. Plus familiers avec la botanique et surtout avec les plantes des houilles, ils auraient reculé devant l’impossibilité de justifier un pareil transport. Les savans dont l’esprit sagace s’appliqua à l’étude de la flore carbonifère, spécialement Brongniart, n’ont jamais admis que ces échantillons si délicatement posés, entremêlés sans confusion et souvent distribués uniformément par feuilles accumulées d’une même espèce, aient été amenés de bien loin, à la façon des bois des Antilles qui vont échouer en Islande ou aux Orcades, ni même comme ces radeaux charriés par les grands fleuves, confusément poussés le long de leurs rives et entassés dans les lagunes de leur delta. D’ailleurs il n’est pas de régions houillères où les tiges reconnaissables des calamités, des fougères, des sigillaires, des cordaïtées et d’autres types ne se retrouvent dans le voisinage du charbon, disposés verticalement à travers les assises de grès qui accompagnent ou séparent le combustible. Le spectacle n’est pas rare à Saint Étienne ; les restes de forêts enracinés y occupent encore leur place naturelle dans l’ancien sol. Des légions de psaronius ou fougères arborescentes, des calamités, des syringodendrons, sortes de sigillaires, encore debout, ont été décrits et figurés par M. Grand’Eury, dont les planches sont presque aussitôt devenues classiques. Ces divers types couvraient alors la surface entière du sol émergé, et si