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au Mont, mais cette ordonnance ne fut jamais mise à exécution. Un registre des sauf-conduits délivrés par les Anglais aux habitans du Maine nous montre les officiers de Bedford accordant, moyennant finance, de nombreuses permissions de se rendre en pèlerinage au Mont-Saint-Michel vers la fin de 1433, au moment même où la célèbre abbaye était bloquée plus étroitement que jamais et soumise à un siège en règle. Telle était la vogue de ce pèlerinage dans la région de la Meuse, à l’époque de la mission de Jeanne d’Arc, que nous voyons Louis., dit le cardinal de Bar, administrateur de l’évêché de Verdun, ordonner par l’une des clauses de son testament, daté de Varennes, le 30 juin 1430, d’envoyer après sa mort et à ses frais un pèlerin à Saint-Michel du Mont. Grâce à cette ailée et venue, à cette affluence de pèlerins accourus de tous les points de la France et aussi de tous les pays de l’Europe, affluence que le blocus de la forteresse avait pu diminuer, sans l’interrompre entièrement, nul doute que la nouvelle de l’échec subi par les Anglais sur un aussi retentissant théâtre, vers le milieu de 1425, ne se soit répandue avec une rapidité singulière et une facilité exceptionnelle,

Charles VII, d’ailleurs, avait trop d’intérêt à porter ces faits à la connaissance de ses partisans pour ne pas les divulguer par tous les moyens qui étaient en son pouvoir. À cette date de 1425, l’une des plus critiques de son règne, la défaite des Anglais devant le Mont-Saint-Michel, où le fils de Charles VI, d’accord en cela avec ses contemporains, se plaisait à voir un miracle dû à l’intercession de l’archange, protecteur spécial de la personne et de la couronne des rois de France, la défaite des Anglais était plus qu’un succès matériel, c’était une victoire morale. Il y avait là une occasion unique de relever les courages abattus l’année précédente par le désastre de Verneuil, et comment ne pas supposer que la cour de Bourges la saisît avec empressement ? Cette notification est d’autant plus vraisemblable que Charles VII avait l’habitude, toutes les fois que ses armes remportaient un avantage un peu notable, d’en informer aussitôt les habitans de ses bonnes villes et des places qui lui étaient restées fidèles. On a retrouvé et publié, il y a une dizaine d’années, la lettre, datée de Loches, le 29 septembre 1423, qu’il adressa aux bourgeois de Lyon pour leur annoncer la victoire de la Brossinière. Des circulaires du même genre avaient été expédiées, deux ans auparavant, à l’occasion de l’affaire de Baugé. Assurément, vers le milieu de 1425, le vaincu de Verneuil avait plus de raisons encore qu’en 1421 et 1423 de soutenir ou plutôt de ranimer les espérances da ses partisans par l’annonce d’un succès à la fois matériel et moral. Il nous reste malheureusement fort peu d’actes