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manière complète, Baduel demande qu’on entre au collège vers cinq ou six ans et qu’on y reste jusqu’à vingt. À vingt ans, le jeune homme quitte la faculté des arts pour entrer dans une des facultés supérieures où on lui enseignera sa profession spéciale. Ces quinze années, pendant lesquelles le collège garde ses élèves, Baduel les divise en deux cycles d’étendue fort inégale. Le premier enseignement, celui de la grammaire et des humanités, dure au moins dix ans. On voit bien que c’est pour Baduel la période la plus importante des études ; il en règle avec soin les exercices, il indique les auteurs qu’on doit lire dans chaque classe : ce sont les prosateurs d’abord et, en première ligne, les lettres de Cicéron et ses traités de morale, puis les historiens, puis les poètes qu’on garde pour la classe la plus élevée. Beaucoup de ces prescriptions sont restées en vigueur dans nos écoles. Le décret royal ayant institué à Nîmes une faculté des arts en même temps qu’un collège, Baduel était tenu d’organiser une sorte d’enseignement supérieur ; il lui consacre quatre ou cinq ans tout au plus, qui sont remplis par des cours de littérature et de philosophie. Dans cette seconde période, le caractère des cours n’est plus le même. Il ne s’agit plus de classes, mais de conférences publiques et libres, publicæ et liberæ auscultationes. Les leçons de grammaire sont dites nécessaires et l’on oblige les élèves à y assister : « Ils ne peuvent quitter leur classe avant de savoir tout ce qui s’y enseigne. » Les autres ont un auditoire plus flottant. « Les étudians n’y sont pas rigoureusement soumis à la règle de l’assiduité, ni forcés de remettre régulièrement des devoirs. » Cette différence ne s’explique pas seulement par l’âge des élèves qui, étant plus raisonnables, peuvent être plus doucement traités ; un autre motif commandait ces ménagemens. La multiplication des universités leur portait un coup fatal ; elles se nuisaient les unes aux autres. Le nombre des jeunes gens qui se destinent à certaines professions libérales, comme la théologie ou le droit, et qui ont seuls un besoin véritable de l’enseignement qu’on reçoit dans la faculté des arts, ne peut pas indéfiniment s’accroître. Il y en avait fort peu dans une ville comme Mîmes. Pour qu’un cours d’enseignement supérieur pût y réunir un public convenable, il fallait ouvrir la porte à ces auditeurs bénévoles, qui viennent par curiosité ou par désœuvrement et qui s’en vont dès qu’ils s’ennuient ou qu’ils trouvent quelque autre chose à faire. C’est déjà le régime actuel de nos facultés. On voit qu’il a commencé de bonne heure ; de bonne heure aussi il a produit de mauvais résultats. Baduel, qui en a souffert, s’en plaint avec amertume. Il s’est bien aperçu qu’un professeur qui s’asservit à cet auditoire mobile se condamne inévitablement à la frivolité. Il recommande à son public « de ne point s’absenter des cours et de ne pas laisser