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et de soin, en complétant les lacunes de ses documens par l’étude attentive de ce qui se faisait ailleurs[1], il nous présente un tableau dont quelques parties restent dans l’ombre, mais où l’on trouve des points bien éclairés. En somme, son livre ajoute à ce que nous savions des changemens qui se sont produits alors dans les études et nous aide à les comprendre. Cherchons-y ce qu’il a d’important et de nouveau.

Nîmes était, au commencement du XVIe siècle, une petite ville d’à peu près quinze mille habitans, mal bâtie, peu saine, et que la peste avait souvent ravagée pendant les dernières années du moyen âge. Mais il lui restait de beaux monumens romains, qui s’étaient conservés par un pur miracle, car on avait fait, durant des siècles, tout ce qu’il fallait pour les détruire. Ils avaient été livrés à toute sorte de dévastations ; ils étaient devenus tour à tour des forteresses, des chapelles, des écuries. Heureusement ils se trouvaient être très solides et avaient survécu, non sans dommage, à toutes ces causes de ruine. Quand les temps devinrent un peu plus doux et les esprits un peu moins grossiers, on commença à s’aviser de leur beauté. Les curieux et les savans du dehors venaient en foule les visiter, et leur admiration éveillait celle des habitans. N’avait-on pas vu le roi lui-même, François Ier s’agenouiller devant une pierre et l’essuyer de ses mains, pour lire l’inscription qu’elle contenait ? La vieille ville, fière des hommages qu’on rendait à son passé, en comprenait mieux la grandeur et voulait s’en montrer digne. C’est ainsi qu’elle fut amenée à s’occuper avec ardeur des écoles où l’on élevait la jeunesse du pays. Elle conçut à ce propos une grande ambition ; ce n’était pas assez pour elle de posséder un gymnase ou un collège ordinaire ; il lui déplaisait d’être inférieure à Toulouse, à Montpellier surtout, la ville la plus voisine et par conséquent la plus enviée. Elle voulut avoir une université comme elles, et, pendant quatre ans, elle assiégea le roi de ses requêtes les plus pressantes. Le roi hésitait : il y avait sans doute autour de lui des gens sages qui lui faisaient comprendre le danger de trop augmenter les établissemens de ce genre et qui craignaient qu’on les affaiblît en les multipliant. Mais la sœur de François Ier, la spirituelle Marguerite de Valois, était gagnée ; elle n’oubliait pas l’accueil qu’elle venait de recevoir à Nîmes, elle en aimait avec passion les monumens ;

  1. M. Gaufrès s’est surtout servi de trois ouvrages importans, qui, avec le sien, nous font bien connaître le caractère des écoles au XVIe siècle. C’est d’abord l’Histoire de Sainte-Barbe de M. J. Quicherat, monographie excellente, qui rend les plus grands services à l’histoire générale ; puis l’Histoire du Collège de Guyenne par M. Gaullieur ; enfin le livre de M. Ch. Schmidt sur Jean Sturm, le réformateur des écoles de Strasbourg.