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M. Duquesne. Il ne fut pas plus tôt sur le cap de Noli qu’il trouva des repaires violens. Tous les vaisseaux se séparèrent et furent contraints de courir, qui d’un côté, qui d’un autre, ce qui ne se passa pas sans beaucoup de débris. L’un fut démâté, l’autre eut tout son avant emporté ; M. Duquesne lui-même perdit sa chaloupe qu’il traînait à la remorque, avec dix-huit matelots. On peut juger, par ce que les vaisseaux souffrirent, le danger qu’eussent couru les galères si M. le duc de Mortemart eût ignoré que, quand on part des côtes de Provence pour aller à l’est, avec un vent de nord-ouest, que l’on trouve ensuite le sud-ouest et que, par le travers de Villefranche, on voit les montagnes couvertes de nuages qui ne font aucun mouvement, le ciel sombre du côté de l’est et de plus orageux, comme il était alors, on doit mouiller dans Villefranche. »

Science de nos ancêtres, combien vous pourriez nous être utile encore, si nous avions jamais à conduire quelque grande opération de débarquement ! « Les quartiers à la mer, la nouvelle lune à terre ! » voilà ce que nous recommandent à l’envi Végèce, Ptolémée, Roberto Valturio et le capitaine Pantero Panlera. « Les dauphins, nous apprend ce dernier, qui semble avoir condensé dans son livre toute la science conjecturale des augures anciens et des pilotes modernes, les dauphins sautent au lieu de nager contre le courant, les crabes saisissent dans leurs pinces le gravier du rivage, les canards battent des ailes, les chiens, de leurs pattes de devant, creusent le sol, les goélands se rassemblent dans le port, le coq chante au coucher du soleil, la vache regarde le ciel et aspire le vent par les naseaux, l’âne secoue la tête ou les oreilles, sans qu’il soit cependant inquiété par les mouches ; les chèvres, les agneaux, les moutons montrent une avidité plus grande que de coutume, ils cherchent avec ardeur le pâturage et on ne les écarte qu’avec peine de l’herbe ; les hirondelles rasent l’eau de leur poitrine ; les passereaux s’appellent et se retirent près des maisons ; les corbeaux font grand bruit ; les oiseaux des fleuves abandonnent l’eau pour courir dans les prés ; le cormoran crie sur son écueil ; le pic d’hiver chante le matin ; les grenouilles coassent ; les mouches, les cousins et les puces se montrent altérés de sang humain ; les fourmis emportent leurs œufs ; les taupes soulèvent la terre ; la paille, les feuilles, les toiles d’araignée voltigent dans l’air ; les articulations deviennent douloureuses ; les yeux brûlent ; les mains sont rugueuses et âpres ; on entend les bois murmurer ; la faux, après avoir coupé l’herbe, reste noire ; les fleurs, les plantes, les eaux exhalent leurs senteurs avec plus d’énergie ; le sel se liquéfie, les murs suintent ; vous avez vu en songe des oiseaux : tenez-vous sur vos gardes, la tourmente est proche. »