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the foolest of the family. Chacun prenait la rame et courait sus aux Carthaginois. « Ah ! quand on admire, nous dit avec raison Polybe, les batailles et les flottes d’Antigone, de Ptolémée, de Démétrius, avec quel étonnement ne doit-on pas, à plus juste titre, assister à ce grand conflit de Rome et de Carthage ! » Quelle immense distance entre les quinquérèmes qui tinrent alors la mer et les galères dont les Perses firent usage pour combattre les Grecs ! Les vaisseaux que s’opposèrent mutuellement les Athéniens et les Lacédémoniens approchaient-ils eux-mêmes des navires sur lesquels se livrèrent les batailles des guerres puniques ? Cinq cents, sept cents vaisseaux entrent en lice dans une seule journée ; douze cents sont détruits par l’ennemi ou submergés par la tempête dès la première guerre. Le corbeau de Duilius y est pour peu de chose : ce n’est vraiment pas un bien merveilleux trait de génie que de venir jeter un pont volant garni de parapets sur la galère qu’on aborde ; gardons notre enthousiasme pour l’audace de ces fantassins qui ne reculent pas à la seule pensée d’affronter sur son élément un peuple fait à tous les hasards de la mer, pour l’opiniâtreté de ce rude sénat qui s’obstine à vouloir ravir à Carthage la suprématie maritime, « bien héréditaire » de la grande colonie phénicienne.

Agathocle avait surpris la descente en Afrique ; les consuls Marcus Attilius, Régulus et Lucius Manlius voulurent l’opérer à poitrine découverte ; ils forcèrent le passage. Je ne vois rien à reprendre aux dispositions qu’ils adoptèrent pour arriver à ce résultat ; c’est ainsi, suivant moi, que devrait manœuvrer une armée navale qui aurait pour mission de protéger la marche d’un puissant convoi. Trois cent trente vaisseaux romains, tous vaisseaux pontés, dont l’équipage ne comprend pas moins de 300 rameurs et de 120 soldats, sont partis de Messine emportant une armée de 140,000 hommes. Ils ont doublé le cap Passaro et longent la côte qui regarde l’Afrique avant de s’aventurer « à faire canal, » en d’autres termes, à couper droit sur le cap Bon. Prévenus à temps, les Carthaginois accourent de Lilybée, — cherchez sur nos cartes modernes Marsala, le port où prit terre Garibaldi. — Leurs chefs, Amilcar et Hannon, sont parvenus à rassembler trois cent cinquante navires ; c’est une grande bataille rangée qui s’annonce. Les adversaires ne sont ni l’un ni l’autre pris à l’improviste ; chacun d’eux peut mûrir à loisir son plan de combat.

La flotte romaine se partage en quatre escadres : les deux escadres à la tête desquelles marchent les consuls sont rangées sur deux lignes convergentes de relèvement. Les sommets des deux colonnes se touchent, les deux files forment éventail, tous les vaisseaux font des routes parallèles : la tactique moderne appellera