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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre.

L’ouverture des chambres françaises n’a point eu, certes, l’autre jour, l’éclat qu’elle a dans d’autres pays, qu’elle a eu en France même dans d’autres temps, lorsque le souverain allait présider à l’inauguration des travaux parlementaires. Elle s’est faite cette fois simplement, modestement. Les sénateurs et les députés, qui étaient dispersés la veille dans leurs provinces, se sont trouvés réunis le lendemain pour entendre à leur retour des vacances une honnête déclaration ministérielle qui a été accueillie avec calme. Tout s’est passé sans bruit, sans mouvement, non cependant sans une certaine apparence de préoccupation et de réserve qui tient à la gravité des choses. S’il y a, en effet, aujourd’hui, au moment où s’ouvre cette session extraordinaire de fin d’année, un phénomène frappant, caractéristique, c’est le sentiment universel d’un danger croissant. Les optimistes à outrance, ceux qui, par esprit de parti ou par fanatisme de secte, se croient intéressés à déguiser la vérité, peuvent essayer encore de s’étourdir par leurs jactances. Le fait n’existe pas moins. Il y a un peu partout ce sentiment que les affaires de la France sont dans une mauvaise voie, que ces derniers mois ont laissé entrevoir les progrès d’un mal redoutable, qu’on a par trop abusé de tout, que la république, en un mot, touche, elle aussi, à cette heure fatidique où elle n’a plus une seule faute à commettre. Un peu partout il y a cette persuasion intime, instinctive, que jamais peut-être, depuis nombre d’années, le parlement ne s’est réuni dans des circonstances plus critiques, et, si cette dernière déclaration ministérielle, qui a suppléé à l’ancien discours de la couronne dans une séance qui n’a eu rien d’imposant, a été froidement reçue, c’est qu’elle a paru ne répondre que d’une manière insuffisante aux nécessités, aux préoccupations du moment. Elle a semblé n’être qu’un programme assez incohérent, accompagné d’une sorte d’adjuration banale à la paix, à la concorde, pour persuader à la chambre de ne