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que, sur la vente d’un mètre cube au prix moyen de 27 centimes, elle ne gagne environ 40 pour 100. Mais, cela dit, il faut en revenir au traité : les raisons d’équité ont peu de prise sur les hommes de finances, qui ne sont pas des philanthropes. Or, des trois causes qui pouvaient servir la prospérité de la compagnie, le traité n’en vise qu’une, la cause scientifique. Et, sachons le reconnaître, un pareil système n’est pas facile à appliquer. Il ne s’agit pas ici d’une grande découverte, capable de bouleverser toute une industrie, mais de petits progrès de détail : distinguer exactement le profit dû à ces progrès, sans tenir compte d’aucun autre élément, est un problème incommode. Par exemple, on constate une économie de main d’œuvre, ou une économie de chauffage ; la compagnie a moins d’ouvriers à payer et plus de coke à vendre ; mais en même temps la main-d’œuvre augmente et le coke est en baisse. Voilà qui rend difficile de démêler exactement le profit dû au nouveau procédé.

Il est également difficile d’estimer d’une manière ferme et définitive les bénéfices retirés de la découverte des substances colorantes fournies par le goudron de houille. Depuis dix ans, les cours de l’anthracène ont changé du simple au triple. Cette matière s’expédie en grandes quantités dans l’extrême Orient : les résidus du gaz de Paris servent à teindre les tapis de Perse. L’année de la guerre entre les Russes et les Turcs, l’anthracène ne se vendait plus à aucun prix. On voit combien il est malaisé de démêler ce qui appartient en propre au progrès de la science. Le système anglais est bien préférable, car il établit entre le prix de revient et le prix de vente une vraie balance et fait profiter le public de tous les progrès scientifiques ou financiers.

Ces considérations obligent le conseil municipal et M. le préfet de la. Seine à se montrer très modérés dans leurs évaluations. La commission de la voirie estimait de 8 à 9 centimes la diminution du prix de revient d’un mètre cube de gaz. Mais le dernier rapport, déposé au mois de juillet par M. Voisin, invite M. le préfet à abaisser par arrêté le prix du gaz de 5 centimes seulement. Ce serait agir sagement. Exposer la ville de Paris à payer des dommages-intérêts à la compagnie, ce serait exposer l’ensemble des contribuables à acquitter la note des abonnés du gaz.

Il nous paraît impossible que les tribunaux ne ratifient pas la diminution de 5 centimes, mais il est certain que l’arrêté de M. le préfet de la Seine donnera lieu à un procès fort long, à des expertises fort délicates, et que la question du gaz sera agitée pendant deux ans.

Un moyen s’est présenté de la trancher immédiatement. La compagnie a proposé pour la seconde fois de transiger, et les conditions qu’elle offre ne ressemblent guère à celle du premier projet.

Les 5 centimes de réduction immédiate sont accordés. Le gaz