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marmite, il n’y aurait pas eu, dans l’emploi de la vapeur, de procédé nouveau : car on fait toujours bouillir de l’eau dans une chaudière. Au surplus, la compagnie n’ayant pas le droit, de par le traité, de distiller autre chose que de la houille, il faut bien que l’article 48 ait visé les progrès à survenir dans l’art de distiller la houille. Si le gaz était tiré d’une autre matière première, il ne s’agirait plus d’appliquer l’article 48, mais bien de résilier le traité pour inexécution des conditions. Et enfin, pour estimer le prix de revient du gaz, on a toujours décompté la valeur des sous-produits : coke, goudron, eaux ammoniacales. Les progrès scientifiques qui augmentent la valeur de ces sous-produits diminuent réellement le prix de revient du gaz. Et l’article 48 s’applique à tous les progrès qui pourront avoir ce résultat.

La commission de la voirie voulut connaître exactement les faits et ne recula pas devant un examen technique. On lui fit voir l’usine de Clichy ; elle fut reçue avec une courtoisie parfaite et entendit d’intéressantes explications. On prenait même soin de la garantir contre une admiration banale et intempestive. Les visiteurs d’un établissement industriel ont l’habitude bienveillante de se récrier devant tout ce qu’on leur montre. « Quelle merveille que l’appareil Siemens ! disaient les conseillers. Il n’y a plus de force perdue. Voilà le vrai progrès de la science. Combien est ingénieux et simple le crible de MM. Pelouze et Audouin ! » — Les ingénieurs répondaient : « Le four Siemens est bien cher à installer. Le revenu du capital engagé équivaut presque à l’économie de combustible. Sans doute l’appareil Pelouze est ingénieux : il y a là un progrès véritable, qui nous vaut bien un demi-centième de centime par mètre cube. » En somme, rien de nouveau, rien d’utile. Depuis vingt ans, les savans occupés de la fabrication du gaz n’ont trouvé que des perfectionnemens insignifiant, des tours de main.

Il était pourtant difficile de croire qu’une industrie dirigée par des gens de tant de mérite n’eût été améliorée en rien depuis ses débuts. Involontairement on se demande si l’article 48 n’a pas eu pour effet imprévu d’inspirer de la modestie à deux générations de savans. En 1864, M. Payen écrivait ici même que plus de six cents brevets avaient été pris touchant l’industrie du gaz. Six cents brevets ne supposent pas autant d’inventions, mais il n’est pas probable que tant de chercheurs se soient toujours trompés. Et combien d’améliorations n’ont pas été brevetées ! Que de fois un ingénieur ou un contre-maître, à force d’observations patientes, a fait une heureuse trouvaille, et n’a pas voulu d’autre récompense que l’approbation de ses chefs et le plaisir d’avoir contribué au bien du service ! L’esprit de corps et l’émulation fournissent de fréquens exemples d’un tel désintéressement.

La vérité est que les inventions qui ont fait progresser l’industrie