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l’instant où le travail l’achève, moins il lui reste d’existence utile. Au jour des batailles, parmi les peuples rivaux, ceux-là seront les plus forts qui sauront plus vite transformer en moyen d’attaque et faire flotter sur les mers les découvertes les plus récentes de la science.

Comment augmenter la puissance de l’argent et du temps dépensés dans les arsenaux ? On a vu qu’une certaine économie était possible sur l’emploi des matières, mais il la faut compter pour peu de chose. Le coût de la main-d’œuvre pourrait être beaucoup plus abaissé si l’on introduisait dans les arsenaux le travail à la tâche, et il le faudrait introduire si les arsenaux étaient destinés à faire tous les objets de matériel naval. Mais si le rôle des établissemens de l’état est borné à la production d’un matériel perfectionné, il faut se garder d’introduire un système qui sacrifie la bonté du produit à la rapidité de la confection. On ne saurait donc réaliser sur ce second élément des dépenses de sérieuses économies. Au contraire, les frais généraux peuvent être dans une large mesure développés ou restreints. Partout où le travail est organisé, certaines dépenses de personnel et de matériel sont nécessaires, quelle que soit l’activité ou l’inertie de la production, de même que certaines quantités de combustibles sont nécessaires pour alimenter une machine même tournant avide. Ces frais sont réduits au minimum quand la force industrielle qu’ils représentent est proportionnée aux travaux à accomplir et quand l’importance des travaux occupe constamment cette force.

Or le grand secret pour maintenir cette plénitude d’activité, c’est de ne pas disperser sur plusieurs centres de travail ce qu’on peut accomplir dans un. Quand l’outillage et le personnel moteurs existent, dans la limite de la production à laquelle ils peuvent satisfaire, la dépense stérile est payée, toute dépense nouvelle de matière et de main-d’œuvre est appliquée directement aux travaux et augmente à la fois la fécondité et l’économie. Qu’avec les mêmes ressources on veuille alimenter plusieurs établissemens, dans chacun il faudra immobiliser sous forme de frais généraux une partie de ce matériel et de ce personnel qui, dans la première usine, auraient été consacrés à une besogne utile : les frais augmentent, les résultats s’amoindrissent. Non-seulement l’organisation des services est d’autant moins onéreuse et d’autant plus efficace qu’elle se sectionne en moins d’établissemens ; mais il est d’expérience que le même personnel et le même matériel, selon qu’ils sont dispersés ou groupés, rendent des services fort inégaux. Isolés, ils sont tantôt insuffisans, tantôt inactifs, sans que l’excès existant sur un point puisse combler le vide existant sur un autre ;