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guerre terrestre à gagner du temps sur la mobilisation, et il faut entendre par ce mot soit les travaux nécessaires pour armer, soit ceux nécessaires pour ravitailler.

L’obstacle le plus considérable que la nature apporte à la rapidité de l’action dans les ports est le mouvement des marées. Comme il établit entre le navire et la terre des différences de niveau sans cesse variables, il rend entre l’une et l’autre les relations irrégulières. Le moment de la pleine mer, où le navire s’élève à peu près à la hauteur des quais, est le plus favorable, mais il dure peu, et la difficulté grandit à mesure qu’augmente la différence de plan. Pour que le navire monte et descende avec le flot le long des berges sans se heurter contre leurs parois, il ne doit pas être amarré trop près et ne communiquer avec le sol que par un ou deux ponts mobiles. Le mal s’aggrave quand la rive, au lieu de plonger verticalement dans l’eau, y descend en talus, comme il arrive d’ordinaire aux berges naturelles. Plus la pente est douce, plus le navire, pour ne pas toucher à marée basse, doit se tenir éloigné du bord. Les ponts, dont la fragilité augmente avec la longueur deviennent alors impropres au transport du matériel lourd ; il faut l’opérer par eau à grand renfort d’embarcations, de bras et de transbordemens. Si les rives ainsi disposées sont celles d’un port eh rivière, si la profondeur nécessaire ne se trouve qu’au milieu du lit, si les coques mouillées dans cet étroit chenal obstruent là seule voie navigable, la lenteur et l’embarras atteignent leur comble.

Pour que les communications entre la flotte et le port soient en tout temps faciles, il faut d’abord que le navire reste à la hauteur des terre-pleins et, pour cela, que le flux ni le reflux ne se fassent sentir. Il faut ensuite que le navire soit en contact immédiat par ses bords avec l’arête des quais et, pour cela, que les quais tombent d’aplomb, c’est-à-dire soient faits de main d’homme. Les ports à niveau d’eau constant et à bassins sont donc les seuls où disparaissent les deux plus grands obstacles que les forces de la nature opposent aux forces humaines. Il ne faut pas moins pour que l’effort humain puisse se déployer constamment : il faut davantage pour qu’il produise son plus grand effet. Armer est une œuvre, réparer une autre : celle-ci exige surtout des bassins de radoub et des ateliers, celle-là des magasins et des moyens de transport. Chacune d’ailleurs s’accomplit par des opérations multiples et par le concours d’un personnel et d’un matériel fort divers. Le groupement de ces forces n’importe pas moins que leur existence. Dès le siècle dernier, un illustre ingénieur, Forfait, recommandait dans « leur répartition respective une attention particulière, » et proclamait que les mauvaises mesures prises à cet égard « peuvent dans bien