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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Une réaction importante s’est produite depuis le 15 octobre sur toutes les valeurs mobilières et principalement sur celles dont les cours dépendent moins du jeu de l’offre et de la demande au comptant que des tendances et des manœuvres de la spéculation. Un sentiment de lassitude et de découragement a pesé sur les transactions ; la spéculation moyenne, qui avait toujours espéré que la haute banque donnerait le signal d’un large mouvement de reprise, s’est fatiguée de se voir toujours abandonnée à ses propres forces aussitôt qu’elle se lançait un peu en avant et paraît avoir aujourd’hui renoncé à toute nouvelle tentative ; l’épargne, dont les disponibilités vont cependant sans cesse en grossissant, n’achète rien, et, symptôme plus grave encore, les portefeuilles bien composés, ceux qui ne contenaient que de bonnes valeurs, rentes, actions de chemins de fer et d’anciennes entreprises industrielles, commencent à envoyer des titres sur le marché.

Le découragement que nous constatons s’était déjà manifesté dans la seconde semaine d’octobre, et la situation même de la place l’aurait accentué encore quand bien même les incidens de Montceau-les-Mines et de Lyon n’auraient pas éveillé tout à coup des préoccupations d’un ordre plus général. Il est certain cependant que les bombes chargées de dynamite, les menaces de mort adressées aux magistrats et aux dépositaires de l’autorité publique, l’audace croissante des révolutionnaires, l’impunité. constamment assurée aux fauteurs de désordres, l’imminence de grèves d’une importance exceptionnelle, ont été. depuis quinze jours autant de motifs qui ont déterminé certains capitalistes à vendre les titres qu’ils possèdent, la petite spéculation à diminuer le plus possible l’étendue de ses engagemens, et la haute banque à se renfermer dans une abstention complète. On ne peut que se féliciter, dans ces conditions, de voir que le mouvement de reprise n’a pas un seul jour dégénéré en panique et que, jusqu’ici, la contre-partie n’a pas fait défaut aux réalisations toutes les fois qu’elles ont été tentées sans précipitation.

Ce résultat relativement heureux peut être attribué au fait que les marchés étrangers ont accusé depuis le milieu d’octobre des dispositions aussi favorables que celles de Paris l’étaient peu, et que toute préoccupation relative à la question monétaire a disparu. Au Stock-Exchange, toutes les valeurs ont conservé la plus ferme attitude ; les