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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 octobre.

Imaginez une situation où des pouvoirs imprévoyans, assemblées et ministères, soient perpétuellement occupés, — d’une part, à ouvrir la carrière aux passions les plus violentes, à ménager les idées les plus extrêmes, et, d’un autre côté, à se désarmer eux-mêmes, à détendre tous les ressorts de l’organisation publique, à affaiblir les lois, les institutions, tout ce qui représente une force protectrice dans les sociétés, — que peut-il, que doit-il en résulter ? La conséquence, direz-vous, est fatale, invincible. La logique des choses suit son cours. On arrive bientôt à cette anarchie qui se manifeste par la décroissance de toutes les forces, de toutes les garanties de gouvernement en face des exaltations et des agressions révolutionnaires qui ne connaissent plus le frein. C’est précisément la situation où semble se débattre aujourd’hui la France, étrange situation, sur laquelle on a pu se méprendre tant qu’il n’y a eu que des déclamations de clubs ou de journaux, mais dont la gravité s’est dévoilée tout à coup par une série de violences, d’explosions, d’incidens sinistres devant lesquels l’opinion s’arrête confondue et troublée. Le fait est que, depuis quelques semaines, tout a pris un caractère singulièrement aigu, que les agitateurs passent des paroles aux actes, et que ces vacances qui ont commencé par des discours finissent par une sorte de réapparition brutale du socialisme s’attaquant par tous les moyens, sous toutes les formes, à l’industrie et au travail, aux églises comme à la vie des hommes. Que disait-on, que le nihilisme ne pouvait se produire qu’en Russie, dans une société livrée à un régime séculaire de silence et d’oppression, qu’il était impossible dans une société libérale, dans un pays comme la France, avec le suf-