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REVUE DRAMATIQUE

Gymnase : Un Roman parisien, pièce en 5 actes, de M. Octave Feuillet.

Un premier acte, où le drame est exposé avec largeur, avec franchise, avec force ; un dernier, qui le dénoue et fait couler bien des larmes ; entre ce point de départ et cette fin, un troisième acte qui renferme la substance psychologique de l’ouvrage, et celui-là encadré de deux autres qui l’éclairent comme des réflecteurs : telle est, en quelques lignes, la pièce nouvelle de M. Feuillet, un Roman parisien, si vivement applaudie l’autre soir au Gymnase. Si le troisième acte n’est pas le plus beau morceau de littérature dramatique, et proprement dramatique, qu’ait écrit M. Feuillet, il ne s’en faut de guère. C’est là que nous connaissons le caractère de l’héroïne, Marcelle de Targy, une digne sœur de la Petite Comtesse et de Julia de Trécœur.

Elle a grandi, cette jeune femme, elle s’est mariée dans le luxe. Sans dot, élevée par une tante riche, elle a épousé Henri de Targy. C’est au milieu d’une fête donnée par ces gens heureux que nous avons fait leur connaissance. Aux invités de cette fête, qui tient la moitié du premier acte, nous avons jugé dans quel monde les jeunes époux vivaient : dans « le monde » tout simplement, dans ce monde qui n’est, à vrai dire, ni noble, ni militaire, ni littéraire, ni artistique, ni politique, ni industriel, ni commercial, ni même financier ; mais qui est le monde à Paris, c’est-à-dire un assemblage d’individus sans communauté d’origine ni de fin, d’idées ni de passions, de travaux ni même d’intérêts, sans communauté d’aucune sorte, sinon de loisirs, de plaisirs et surtout d’ennuis. Marcelle de Targy est une des étoiles de ce monde ; son mari l’admire et ne conçoit pas qu’elle puisse briller dans un autre ciel, moins chargé de parfums riches. Et cependant, à peine la fête terminée, voici que la mère d’Henri, qui s’était tenue à l’écart, la mère d’Henri, sombre et farouche depuis la mort du père, pressée de questions et même de soupçons, laisse échapper