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M. SAVORGNAN DE BRAZZA
ET
M. STANLEY

M. Stanley s’était acquis la réputation d’un audacieux et d’un habile homme. Cet ex-reporter d’un journal américain a pris place parmi les plus remarquables voyageurs de ce temps, parmi les explorateurs les plus résolus, les plus hardis, les plus aventureux du continent noir. Avoir traversé l’Afrique de l’est à l’ouest et reconnu le cours du Congo est une gloire qui ne lui est point contestée, que personne ne lui contestera jamais. Après avoir travaillé pour la science et pour la géographie, M. Stanley s’était mis au service d’un autre ordre d’intérêts. Il avait conçu le projet d’exploiter les vastes régions qu’il venait de parcourir. Il est devenu à la fois le mandataire d’une association scientifique patronnée par le roi des Belges et le principal agent d’une grande société commerciale qui se proposait d’attirer et de concentrer dans ses mains tout le commerce du plateau du Congo. Après la gloire, c’était la fortune, et cette fortune n’était pas sans gloire. Mais un fâcheux incident s’est produit, M. Stanley a eu de cuisantes déconvenues. Un Italien naturalisé Français, officier de notre marine, est parvenu, à force de courage, de patience et d’adresse, à prendre les devans, à assurer à son pays adoptif une situation privilégiée sur les bords du Congo, à mettre un atout dans les mains de la France, à lui faire dans le commerce futur de l’Afrique équatoriale une part qu’elle pe pourrait plus perdre que par une défaillance de cœur ou par son incurie. Que le voyageur américain en ait conçu quelque humeur, nous le comprenons sans peine et il faut le lui pardonner ; mais il est bon de savoir maîtriser son humeur. Un jour que nous interrogions M. de