Le front se dégarnit et la barbe grisonne,
On exhale une triste et rance odeur d’automne ;
C’est navrant… Bref, j’avais le spleen et m’étais mis
Au vert, loin du Paris viveur, chez des amis ;
Dans un village obscur, tout arrosé d’eau vive
Et couronné de bois, qu’on appelle Auberive.
Le pays est charmant, sauvage, intime et frais,
Plein de fleurs, embaumé du parfum des forêts.
Seul, un grand bâtiment à mine sépulcrale
Fait tache et l’assombrit : c’est la Maisan centrale,
— Une prison bâtie au milieu des jardins
Abbatiaux d’un vieux couvent de bernardins. —
Des femmes que le vice ou le crime a damnées,
Comme au fond d’une tombe y vivent des années,
N’ayant que les chéneaux des toits pour horizons
Et ne sachant plus rien des jours ni des saisons.
Enfermée à vingt ans dans cet enfer de Dante,
Plus d’une en sort ridée et la tête branlante ;
Plus d’une, après des mois de silence absolu,
Quand sa grâce est signée et son temps révolu,
Arrive au clair soleil, épeurée et honteuse,
Comme un oiseau de nuit qui d’une aile boiteuse,
Bat les airs et se cogne aux murs.
Or, le hasard
Fit justement qu’au jour marqué pour mon départ,
L’une d’elles sortait, sa peine étant finie.
« Cette nuit, vous aurez galante compagnie,
Me dit le conducteur sur son siège campé
Et d’un clin d’œil narquois me montrant le coupé,
La Centrale a lâché ce soir une hirondelle,
Et vous voyagerez tête à tête avec elle,
Ne vous en plaignez pas pourtant… Elle est, ma foi,
Jeunette et fort jolie… Un vrai morceau de roi ! »
La libérée était déjà dans la voiture.
Très jolie, en effet : vingt-cinq ans, la figure
Mignonne, avec de beaux grands yeux d’un bleu rêveur ;
Le teint avait la mate et morbide pâleur
D’une plante poussée à l’ombre d’une cave,
Mais les lignes étaient d’une grâce suave,
Et le buste moulait son exquise beauté
Sous le corsage étroit d’une robe d’été ;
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