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raisonnemens théoriques, les partisans de l’aspiration cherchent à les étayer d’analogies plus ou moins forcées. M. Reye[1] reproduit une quantité de récits concernant des trombes de fumée observées au-dessus d’une forêt ou de vastes amas de broussailles auxquels on avait mis le feu, au-dessus du volcan de Santorin, etc. Il cite les témoignages que M. Espy a recueillis et qui se rapportent à des orages de pluie provoqués par des incendies ; parmi les plus curieux, il faut noter celui de M. G. Mackay, qui se vante d’avoir réussi plus d’une fois à « faire la pluie » en allumant les hautes herbes d’une prairie par un ciel parfaitement serein. Dobrizhoffer rapporte aussi que les Indiens mettent le feu aux prairies pour faire tomber la pluie. Il y aurait sans doute intérêt à instituer des expériences de ce genre sur une grande échelle et dans des conditions nettement déterminées. Jusqu’à ce jour, on a trop négligé les ressources que l’expérimentation directe peut offrir toutes les fois qu’il s’agit de vérifier les conséquences d’une théorie ; il y a lieu de le regretter d’autant plus que l’hydrodynamique, la science du mouvement des fluides, est à peine née et se trouve impuissante à résoudre la plupart des problèmes que lui pose la pratique : elle se borne à les « mettre en équation, » et ce n’est qu’à coups d’hypothèses et de restrictions qu’on arrive parfois à établir un résultat qui ressemble à une loi. On ne cite guère, pour appuyer la théorie de l’aspiration, que des expériences sur le tirage des hautes cheminées, une expérience de cabinet, due à M. Espy, qui consiste à produire une trombe d’eau dans un tube de verre placé sous une machine soufflante, etc., et il est à peine besoin de faire remarquer combien, par la nature des appareils employés, on s’éloigne ici des conditions dans lesquelles s’accomplissent les phénomènes météorologiques. Lorsqu’il s’agit de la théorie des mouvemens giratoires des vents, on se contente le plus souvent d’invoquer l’analogie des tourbillons qui se forment dans les rivières, ou les résultats de quelques expériences déjà anciennes qui se rapportent à dès tourbillons provoqués artificiellement dans un liquide. Telles sont les expériences de Saulmon, de l’ancienne Académie des sciences, ou celle du comte X. de Maistre, qui excite le tourbillon par la rotation d’un volant à quatre ailes, placé au centre ; il trouve qu’une couche d’huile, déposée sur l’eau dans l’entonnoir qui se forme, est d’abord entraînée vers le bas, puis, arrivée au contact de l’obstacle du fond, remonte en gouttelettes tout autour du tourbillon qu’elle a quitté. Il y a donc ici un mouvement descendant suivant les spires d’une hélice conique, et un mouvement ascendant

  1. Die Wirbelstürme ; Tornados und Wettersäulen, von Th. Reye, 2e édition, Hanovre, 1880.