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repères où pourront s’appuyer les recherches, et nous prouvent que la règle n’est pas absente de ces luttes confuses des élémens. Les vents alizés, ces vents d’est dont le souffle persistant causa tant d’effroi aux compagnons de Christophe Colomb, inquiets de leur retour, voilà déjà un de ces phénomènes où se trahit le jeu régulier d’un enchaînement de causes et d’effets abordable au calcul. Ajoutons-y les contre-alizés, qui soufflent en sens contraire dans les hautes régions de l’atmosphère, comme le prouve le mouvement des nuages et comme l’ont constaté directement les voyageurs qui ont fait l’ascension du pic de Ténériffe, — et nous ne pourrons plus douter de l’existence d’une circulation des vents, assujettie à des lois simples que nous finirons par connaître un jour complètement.

Il y a deux siècles que Halley a indiqué les causes générales de cette circulation atmosphérique : d’une part, l’action de la chaleur solaire qui, en dilatant l’air des tropiques, provoque un échange continuel entre l’équateur et les pôles ; de l’autre, la rotation de la terre, qui fait dériver vers l’ouest les courans qui vont des pôles à l’équateur, et vers l’est les courans de retour. Cette déviation des vents, que l’on peut considérer comme une preuve tangible de la rotation de la terre, est la conséquence de l’inégalité des vitesses absolues des différens parallèles : un point situé sous l’équateur est emporté dans la direction de l’est avec une vitesse de 1,660 kilomètres à l’heure, tandis qu’à la latitude de 60 degrés (latitude de Saint-Pétersbourg) la vitesse de rotation n’est que de 830 kilomètres, et il en résulte que l’air qui arrive des hautes latitudes, animé d’une vitesse de rotation relativement faible, reste en arrière et dérive vers l’ouest, tandis que celui qui reflue de l’équateur vers les cercles polaires est toujours en avance sur les parallèles qu’il traverse et dérive vers l’est. C’est ainsi que naissent les alizés, vents du nord-est pour notre hémisphère et venus de sud-est pour l’hémisphère opposé, et souvent même vents d’est dans le voisinage de la zone des calmes qui les sépare. C’est encore ainsi que s’expliquent les contre-alizés, — vents de sud-ouest et de nord-ouest, — qui, descendus des hautes régions de l’atmosphère, soufflent à la surface du sol dans les latitudes tempérées.

Mais comment se forment, sous l’influence du soleil tropical, ces deux systèmes de courans superposés ? La théorie qui a cours depuis Halley veut que la zone équatoriale, chauffée par les rayons solaires, joue le rôle d’un vaste foyer d’appel où s’élèvent incessamment des colonnes d’air raréfié qui se déverse ensuite au sud et au nord. C’est ainsi que le tirage qui s’établit dans une cheminée entraîne de bas en haut les masses d’air qui viennent s’y engouffrer. On sait aussi qu’en ouvrant une porte qui sépare une chambre chauffée d’une