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furent même distribués, et « quand on en a lu la description, dit M. Dumas, l’éditeur des Œuvres de Lavoisier, il n’est pas difficile de s’assurer que quelques châteaux possédaient encore, il y a peu d’années, des instrumens donnés par lui à cette occasion. »

En 1852, les fondateurs de la Société météorologique de France disaient, dans la circulaire qu’ils adressaient aux physiciens : « Avant peu, l’Europe entière sera sillonnée de fils métalliques qui feront disparaître les distances et permettront de signaler, à mesure qu’ils se produiront, les phénomènes atmosphériques et d’en prévoir les conséquences les plus éloignées. » Cinq ans auparavant, dans un Mémoire inséré au Journal américain des sciences et des arts, Redfield avait proposé l’application du télégraphe électrique à l’étude de la propagation des tempêtes : il paraît même qu’à partir de 1850, des essais pratiques ont été faits aux États-Unis dans cette direction ; la guerre de sécession, par malheur, arrêta ces tentatives. On voit que l’idée de cette nouvelle application du télégraphe était dans l’air ; mais il fallut un gros événement pour qu’elle devînt une réalité.

Cet événement, ce fut l’ouragan qui, le 14 novembre 1854, assaillit les flottes alliées dans la Mer-Noire et causa la perte du vaisseau le Henri IV. On constata que, le même jour, ou à un jour d’intervalle, des coups de vent avaient éclaté dans l’ouest de l’Europe, sur l’Autriche, sur l’Algérie, et il parut évident que la tempête s’était propagée de proche en proche sur une vaste étendue. Invité par le maréchal Vaillant à faire une enquête sur les circonstances du phénomène, M. Le Verrier adressa une circulaire aux météorologistes de tous les pays, les priant de lui transmettre les renseignemens qu’ils auraient pu recueillir sur l’état de l’atmosphère pendant les journées du 12 au 16 novembre. En réponse à cette circulaire, on reçut plus de deux cent cinquante documens, dont la discussion montra que la tempête avait traversé l’Europe du nord-ouest au sud-est, et que, s’il y avait eu un télégraphe entre Vienne et la Crimée, nos flottes auraient pu être averties à temps de l’arrivée de l’ouragan.

Le 16 février 1855v M. Le Verrier soumit à l’empereur le projet d’un vaste réseau météorologique qui devait fournir les élémens d’un service régulier d’avertissemens maritimes, et trois jours après, le 19, il put déjà présenter à l’Académie des sciences une carte de l’état atmosphérique de la France d’après les observations reçues le même jour, à dix heures du matin[1]. L’organisation du réseau français était à peu près terminée en 1856 ; treize stations

  1. Cette carte avait été dressée par M. E. Liais, alors chef cbs travaux météorologiques à l’Observatoire de Paris.