été question le moins du monde de restreindre les dépenses. Si M. Léon Say avait voulu être le ministre féroce que réclamait tant M. Thiers sous le second empire, et qui serait aujourd’hui plus nécessaire que jamais, il aurait tout simplement dit : Plus de dépenses extraordinaires en dehors des ressources qui peuvent y être régulièrement affectées ; et c’eût été plus efficace que toute autre déclaration ; il avait d’autant plus qualité pour le faire qu’avec sa haute compétence en matière financière, il sait mieux que personne les inconvéniens du système dans lequel on est engagé. Il a parfaitement démontré qu’on pourrait exécuter la plupart des mêmes travaux avec l’industrie privée, avec le concours, par exemple, en ce qui concerne les chemins de fer, des grandes compagnies, et il a ajouté, ce qui était fort juste, que ce serait une chose différente pour le crédit public, si les sommes nécessaires à ces travaux étaient empruntées par des compagnies particulières au lieu de l’être par l’état. Il est incontestable, en effet, que dans un pays comme la France, qui économise chaque année peut-être 2 milliards 1/2, il n’est pas difficile de trouver 6 ou 700 millions par an qui soient disponibles pour les grands travaux publics et sans qu’il en résulte d’embarras financiers. On l’a bien vu depuis un certain nombre d’années, où, malgré les émissions d’obligations qui ont été faites par les grandes compagnies jusqu’à concurrence de 4 à 500 millions par an, le taux de ces obligations n’a pas cessé de monter. Il en eût été autrement si l’état lui-même avait exécuté les travaux et emprunté ; son crédit en aurait souffert. Les 6 ou 700 millions par an qu’il s’agit de trouver maintenant s’ajouteront ou à la dette consolidée qui dépasse 20 milliards, ou à une dette flottante de près de 3 milliards et à d’autres obligations encore dont l’échéance est à court terme. Alors ce n’est plus la richesse générale de la France qu’il faut considérer, mais la situation particulière de l’emprunteur ou du débiteur, et quand le débiteur est déjà chargé, comme nous venons de le dire, d’une dette écrasante, il est d’une imprudence extrême d’y ajouter la moindre chose. Il n’y a pas de pays, quelque riche qu’il soit, qui puisse en tout état de cause fournir des garanties suffisantes pour une pareille dette. Que deviendrait notre crédit demain si nous avions la guerre ou une révolution ? Voilà ce qu’il faut se demander sans cesse et ce que nous aurions voulu entendre dire par M. Léon Say avec l’autorité qui s’attache à ses paroles. Il aurait fait un grand acte de patriotisme. Mais, ce n’est pas précisément pour discuter en détail le budget de 1883 que nous avons pris la plume. Ce travail a été fait et très bien fait par notre ami et collaborateur M. Paul Leroy-Beaulieu[1], nous n’avons rien à y ajouter :
- ↑ Voyez la Revue du 1er avril 1882.