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de pousser aux défrichemens et de faire mettre en culture certaines parties élevées qu’il eût mieux valu laisser à la végétation arborescente. On regrette de voir des fermes et même des hameaux disséminés sur les hauteurs et de maigres champs de seigle ou de pommes de terre mordre la lisière inférieure des forêts à une altitude où celles-ci seraient mieux à leur place.

Si riche que soit l’agriculture de l’Alsace, elle serait impuissante à nourrir la population qui l’habile, si celle-ci ne trouvait dans l’industrie des élémens de subsistance qui s’ajoutent à ceux que la terre peut lui procurer.


II

Ce n’est pas sans surprise que le voyageur, en parcourant l’Alsace, rencontre d’importans centres industriels dans les vallées étroites et retirées, éloignées des canaux et des chemins de fer, où le charbon ne peut pénétrer et d’où les produits fabriqués ne peuvent sortir qu’au prix de transports onéreux. C’est là cependant que l’industrie alsacienne, pendant longtemps si prospère et si renommée, a pris naissance ; c’est là que se sont développées les manufactures de Wesserling, de Massevaux, de Guebwiller, de Munster, d’Orbey, de Sainte-Marie-aux-Mines, de Schirmeck, attirées par le bas prix de la main d’œuvre et par la possibilité d’utiliser la force motrice des cours d’eau. Plus tard, lorsque les machines remplacèrent le travail de l’homme et que, j pour les faire mouvoir il fallut de grandes quantités de charbon, ces avantages disparurent ; la facilité des transports devint alors la question capitale, et ce fut dans la plaine que furent créés les nouveaux établissemens où ils se groupèrent dans des centres comme Mulhouse, Colmar, Cernay, Bischwiller. Ces localités, il est vrai, sont elles-mêmes éloignées des ports de mer qui leur expédient les matières premières, des charbonnages qui leur fournissent le combustible, des marchés où se consomment leurs produits ; si cependant elles ont prospéré, cela tient donc bien plutôt aux aptitudes industrielles de la population, maîtres et ouvriers, qu’aux avantages naturels dentelles jouissaient.

Des diverses industries alsaciennes, l’industrie cotonnière est de beaucoup la plus importante, car elle embrasse toutes les opérations par lesquelles le coton brut, tel qu’il est expédié des pays producteurs, est transformé eu cette multitude de tissus si variés qui, soit à l’état pur, soit mélangés de soie ou de laine, sont destinés à satisfaire à nos besoins les plus vulgaires comme aux exigences du luxe le plus raffiné. Elle comprend la filature, le tissage,