L’Alsace ! qui donc y songe encore en France ? Qui donc y songe, sinon, les Alsaciens eux-mêmes, qui portent toujours dans leur cœur le deuil de leur patrie, qui ne peuvent entendre prononcer son nom sans sentir leurs paupières s’humecter ? Les sentimens qu’ils éprouvent pour ceux que la fortune des armes a faits leurs maîtres n’ont pas changé et ne sont un mystère pour personne ; ils sont aujourd’hui ce qu’ils étaient au lendemain de la conquête, alors que M. Teutsch a lancé du haut de la tribune du Reichstag, au nom de ses compatriotes, la véhémente protestation qui a posé devant l’Europe la question alsacienne et qui, quoi qu’on fasse, est devenue un document dont la diplomatie ne peut faire abstraction. Ils sont ce qu’ils étaient quand M. le pasteur Lichtenberger, dans la chaire de Saint-Nicolas, à Strasbourg, s’en est fait l’interprète en face de l’état-major prussien venu pour l’entendre, dans des termes qu’il faut reproduire : « Violemment arrachés à notre patrie, s’écriait-il, à la suite d’événemens que nul n’a pu prévoie, placés soudain sous un régime si nouveau avec un horizon et des perspectives si inattendues, il nous semble vraiment être dans l’exil… Nous ne cesserons dans nos consciences de protester en faveur du droit contre l’injustice, ne fût-ce que pour en rendre le retour plus difficile ; nous ne cesserons du fond de nos cœurs d’être fidèles à notre patrie véritable avec le regret douloureux d’en être séparés, et nous le
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LA
SITUATION ÉCONOMIQUE
DE L’ALSACE
Études statistiques sur l’industrie de l’Alsace, par Ch. Grad, député au Reichstag, 2 vol. in-8o ; 1879-1880.