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senter au parlement avec des résultats également favorables dans les affaires d’Irlande.

Lorsque M. Gladstone en était encore à proposer ses hardies mesures agraires, son Land-act, son bill des arrérages, lorsqu’il se voyait obligé d’accompagner l’œuvre réformatrice de toutes les sévérités de la coercition, d’une nouvelle loi de sûreté générale, la politique ministérielle restait livrée à toutes les contestations ; on pouvait lui dire et on n’a pas manqué de lui dire qu’elle était témérairement révolutionnaire, imprévoyante, qu’elle portait atteinte aux grands principes de la propriété, de l’ordre social britannique, sans pouvoir se promettre de pacifier l’Irlande. A l’heure qu’il est la pacification n’est point assurément complète et plus d’une fois encore, vraisemblablement, l’Irlande sera un embarras pour l’Angleterre, Tout indique du moins un apaisement qui est dû sans doute à cette combinaison d’une répression sans foîblesse et de lois réformatrices. Il est certain que le nombre des crimes a diminué, que les actes de rigueur qui ont atteint quelques coupables ont eu un effet salutaire, que les réformes ont eu aussi une favorable influence sur les masses rurales, assez disposées désormais à profiter des libérales mesures votées en leur faveur. Les lois de M. Gladstone ont eu cet heureux résultat de désintéresser une partis de la population irlandaise, d’enlever par cela même des soldats à la révolte organisée, à l’influence de la land-league. Ce qui tendrait à le prouver, c’est que les chefs les plus ardens de la ligue semblent se décourager et se retirer du combat. Les souscriptions ouvertes aux États-Unis pour soutenir le mouvement viennent d’être closes. Il n’y a que quelques jours, dans une réunion qui a eu lieu à Wexford, en Irlande, un des plus opiniâtres et des plus fougeux agitateurs, M. Michael Davitt, a avoué que la campagne était finie, qu’on ne pouvait plus pour le moment continuer la lutte, et il n’a point hésité à convenir que si la land-league était vaincue, elle devait en grande partie sa défaite aux meurtres, aux incendies, aux crimes de toute sorte qui ont compromis la cause irlandaise. Ce qui est clair dans tous les cas, c’est que la défaite existe, puisqu’elle est avouée par les vaincus, et que M. Gladstone, au lieu de se trouver sous le poids d’un problème qui semblait insoluble, arrive aujourd’hui devant le parlement avec ce commencement de succès qui justifie sa politique. Il y a quelque temps, le ministère anglais semblait presque ébranlé et il eût été sans doute tout à fait compromis s’il eût manqué de résolution soit dans les affaires d’Irlande, soit dans les affaires d’Egypte. Il se relève victorieusement aujourd’hui, comme pour prouver que les gouvernemens se perdent plus souvent par leurs faiblesses que par une décision opportune.

Ch. de Mazade.