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de grandes commissions permanentes qui seraient chargées de certaines affaires, de l’étude des projets de loi, en un mot, de tout le travail préparatoire du parlement sauf, bien entendu, le recours définitif à la chambre tout entière en séance publique. Au premier abord, tout cela semble assez simple, assez rationnel et se rapproche de ce qui se pratique dans les assemblées du continent. La nécessité d’avoir raison des « obstructionnistes, » qui peuvent à un moment donné paralyser la volonté de la chambre, est évidente. Le système de comités imaginé par M. Gladstone peut avoir son utilité pour l’expédition des affaires. Il ne faut pas cependant se dissimuler que c’est là une sorte de révolution qui n’est pas faite pour passer aisément dans un pays comme l’Angleterre, où règne le respect des vieilles traditions, des usages séculaires. Les nouveautés ministérielles rencontreront, selon toute apparence, une vive opposition, non-seulement parmi les Irlandais, dont l’humeur « obstructionniste » a provoqué la présentation du nouveau règlement, mais dans les rangs du parti conservateur, qui ne laissera pas passer l’occasion de défendre jusqu’au bout les vieilles traditions du parlement britannique. M. Gladstone, qui se repose aujourd’hui à la campagne, loin des agitations de Londres, peut faire provision de forces nouvelles. Il aura sans doute plus d’un combat à soutenir sur cette simple question de revision du règlement de la chambre ; mais il a pour lui ses succès, les résultats éclatans de sa politique tout entière, qui est pour le moment dans sa phase la plus favorable.

Le ministère anglais n’a point évidemment à craindre dans cette session prochaine de bien sérieuses attaques au sujet des affaires d’Égypte. La question se produira dans le parlement, cela n’est pas douteux, et le langage de lord Salisbury, de sir Stafford Northcote n’indique pas précisément que les tories aient désarmé. Des débats animés, éloquens pourront s’engager dans les deux chambres ; l’issue ne peut être incertaine. Toutes les discussions qui se produiront se ressentiront nécessairement de la récente victoire des armes anglaises, et elles ne pourront d’ailleurs être poussées à fond tant que la situation restera obscure et indécise en Égypte. L’instinct national est trop puissant en Angleterre pour que les partis se permettent d’entraver le gouvernement dans ce qui lui reste à faire à Alexandrie et au Caire. L’opposition se trouve liée tout à la fois par le succès qui vient de couronner cette rapide campagne et par la nécessité de laisser au gouvernement toute sa liberté d’action dans la vallée du Nil, dans les négociations diplomatiques qu’il a maintenant à poursuivre pour donner à son œuvre un caractère européen. Peut-être l’opposition retrouvera-t-elle des chances plus tard, le jour où elle aura à juger cette entreprise égyptienne dans sa partie politique ou diplomatique, qui n’est point à la vérité la moins difficile ; aujourd’hui, le gouvernement a tous les avantages. D’un autre côté, le cabinet libéral a la bonne fortune de se pré-