Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/957

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les programmes ministériels ou parlementaires, — et d’abord, pour mieux les réaliser, on commence par tout bouleverser : puis on s’arrête bientôt en chemin, ne sachant plus que faire entre des lois anciennes ébranlées, à demi détruites, et des lois nouvelles qu’on ne peut arriver à voter. M. le ministre de l’instruction publique a sa manière d’entendre les réformes, de relever le gouvernement et sans doute aussi de mettre la paix, l’ordre dans le pays ; il vient de proposer tout simplement d’introduire la politique dans les écoles primaires, c’est-à-dire d’enseigner à des enfans de moins de dix ans l’histoire, la législation, la constitution à la façon républicaine, selon l’esprit du Manuel de M. Paul Bert. Et c’est là ce qu’on appelle régénérer l’enseignement ! Il y a quelque temps déjà, M. Léon Say, dans son passage au ministère, s’était efforcé de rétablir un certain ordre financier, de soutenir le crédit public et de rassurer les industries. De concert avec le rapporteur de la commission des finances, M. Ribot, M. Léon Say avait vaillamment soutenu ses combinaisons, qui, en définitive, étaient acceptées et votées par la chambre ; mais le nouveau ministre, M. Tirard, un habile financier, veut avoir, lui aussi, son budget, un budget tout neuf qu’il fera voter comme il pourra à cette fin d’année. Il laisse tomber la convention qui avait été négociée avec la compagnie d’Orléans et qui avait pour objet d’assurer au trésor une somme considérable. Cette somme, il faudra la remplacer. De son côté, M. le ministre des travaux publics vient de nommer une commission chargée d’étudier de nouveau, — ce ne sera que la dixième fois, — le régime des chemins de fer. Il en résulte que, pour le moment, tout est remis en question. M. le garde des sceaux qui, à son tour, ne veut pas paraître stérile, s’était mis en frais d’invention pour un nouveau système de réforme judiciaire. Il avait imaginé une combinaison fort ingénieuse par laquelle il se proposait de contenter tout le monde, qui consistait à supprimer l’inamovibilité sans la supprimer. Il assimilait les magistrats aux officiers de l’armée ; il maintenait l’inamovibilité pour le grade en laissant l’emploi à la discrétion du gouvernement. Seulement la combinaison a paru trop subtile ou trop peu sérieuse, et pour le moment on en reviendrait, dit-on, à une proposition qui limitait la réforme judiciaire à la revision du personnel ; la réforme des compétences, des juridictions reviendra quand elle pourra, comme el’e pourra : il faut d’abord s’occuper des places, du personnel : c’est le point important dans le programme.

Ainsi, tout marche et tout finit par des pensions, par des questions de personnel ou par des expulsions de religieuses. C’est ce qu’il y a de plus clair ! Et l’on s’étonne ensuite que ces gaspillages d’une situation, ces manèges, cette impuissance aux choses sérieuses, produisent le malaise qui frappe tous les esprits prévoyans, que les membres du gouvernement et du parlement sentent eux-mêmes sans vouloir s’en