Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/940

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTÉRAIRE

LE PERSONNAGE SYMPATHIQUE DANS LA LITTÉRATURE.

Il y a deux manières, en littérature comme en art, et comme partout, de s’y prendre avec les préjugés : l’une, qui est de n’y reconnaître qu’autant de monumens de l’humaine sottise, et l’autre, de sonder, pour voir si peut-être ils ne reposeraient pas quelquefois sur des fondemens encore assez solides, La première est plus expéditive, avec je ne sais quoi de libre, d’aisé, de hardi même ; la seconde est plus lente, beaucoup plus lente, mais aussi plus instructive. Je voudrais essayer aujourd’hui de le montrer; — et rechercher ce que c’est que l’on exige du poète, ou de l’auteur dramatique, ou du romancier, quand on demande qu’ils nous offrent des personnages sympathiques. Le public a-t-il tort ou raison de persister dans cette exigence, qualifiée si souvent de puérile et de tyrannique ? Et l’artiste peut-il enfin, sans quelque danger pour l’art, ou l’étudier, ou s’y soustraire, ou la braver? La question, dans ces derniers temps, a été plus de vingt fois posée. Le bruit qui s’est fait, — pendant une semaine! — amour de la comédie de M. Henri Becque, les Corbeaux, prouve assez qu’elle n’est pas encore suffisamment éclaircie.

Tel est, en effet, le retentissement que le théâtre donne aux choses! Ce que l’on reproche à la comédie de M. Becque, de n’avoir pas été faite pour plaire, on ne l’a pas reproché moins vivement aux romans de M. Zola. La cause elle-même d’une certaine poésie, de la prétendue poésie de la laideur et de la pourriture, est incontestablement enveloppée dans le procès du naturalisme. On ne saurait presque rien