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et de la houille dont se sont garnis les navires en partance, valeur que les tableaux des douanes omettent. Par ces corrections, M. Bourne atténue sensiblement les excédens d’importation ; ainsi réduits, ils ne sont plus, pour les années 1877-1879, que de 2,350 millions, de 2,100 millions, de 1,625 millions. Poussant plus loin ses investigations, M. Stephen Bourne, après avoir étendu ses corrections à une série d’années, décompose les importations en trois classes : matières alimentaires, matières premières pour les manufactures, autres articles. Dans les vingt-cinq années qui se sont écoulées de 1854 à 1879, la valeur des matières alimentaires s’est élevée de 59 à 167 millions de livres sterling, celle des matières premières de 61 à 100 millions, celle des articles divers de 14 à 41. On reconnaîtra à première vue que les subsistances importées ont presque triplé, tandis que les produits bruts n’ont pas même doublé, circonstance qui peut donner à réfléchir. Au reste, les chiffres du tableau des douanes ont été combinés et groupés de bien des manières depuis deux ou trois ans par les publicistes et se sont complaisamment prêtés à de sensibles atténuations, mais le fond de la question n’en a pas été touché : l’accroissement des exportations industrielles a été dépassé par l’augmentation des importations alimentaires, ce point semble acquis.

Des faits qu’il a constatés, M. Stephen Bourne tire des conséquences que nous allons reproduire, autant que possible, avec ses propres paroles : « La gravité de la situation consiste dans ce fait que, tandis que nous devenons d’année en année plus dépendans de l’étranger pour l’alimentation de nos populations, les produits de notre industrie deviennent de moins en moins nécessaires aux contrées dont nous tirons ce supplément de subsistances. » Si encore on pouvait enrayer ce mouvement ! Mais non. « Pendant qu’une fausse sécurité, fondée sur la croyance en notre pouvoir de délier toute compétition, et la connaissance des larges bénéfices réalisés jusqu’à présent par les manufactures, ont rendu nos ouvriers plus exigeans relativement aux salaires, et que nos patrons sont devenus moins économes dans leurs dépenses, d’autres nations ont profité de notre expérience, et de toutes parts s’élèvent des manufactures pour rivaliser avec les nôtres. Pendant que nous consacrions une forte partie de nos revenus à développer nos forces productrices, d’autres nations se sont appliquées à faire valoir leurs avantages naturels ; il en est résulté que, du moins pour un temps, l’offre a dépassé la demande, et la concurrence a tellement fait baisser les prix, qu’on a de la peine à croire qu’ils puissent jamais se rapprocher sensiblement de leur ancien niveau. » Et l’auteur continue ses plaintes et les termine par cette question : « Faut-il maintenant