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différence en métaux précieux. Quand la valeur des entrées est la plus forte, on dit encore que la balance nous est défavorable, bien que les métaux précieux ne passent plus pour les seules richesses et qu’on comprenne que, normalement, la valeur des importations doit dépasser celle des exportations. Si vous envoyez à Rio Janeiro pour 1,000 francs de soieries, celles-ci vaudront 1,200 francs dans la capitale du Brésil, et le café que vous y achèterez pour cette somme sera peut-être coté 1,400 francs au Havre. Ainsi, contre 1,000 francs qui sortent, 1,400 francs devront entrer. Nous avons un peu enflé les différences pour les rendre plus visibles.

On a d’ailleurs rendu compte de plus d’une manière des différences que l’on constate entre les entrées et les sorties. On a contesté l’exactitude des déclarations faites par les exportateurs ; on a critiqué l’évaluation des prix, et, en dehors des défauts de la statistique, on a montré que les frais de transport se sont ajoutés aux valeurs importées et qu’on devrait, pour rétablir l’équilibre, grossir le montant des exportations d’une somme fictive égale représentant le travail national employé aux transports, travail qui a droit à sa rémunération ; on a rappelé surtout les affaires financières internationales, les intérêts et les rentes dus par l’étranger, et dont le montant n’est pas indiqué sur les tableaux des douanes, mais qui contribuent à établir ou rétablir l’équilibre. Voilà bien des raisons, la plupart très fortes, pour rendre les publicistes, les hommes d’état presque indifférens aux mouvemens de la balance du commerce ; néanmoins les mouvemens ont paru pendant un certain nombre d’années si insolites, les différences ont été si considérables qu’ils ont donné à réfléchir.

C’est d’Angleterre, avons-nous dit, qu’est parti le cri d’alarme : Are we consuming capital ? Vivons-nous sur notre capital ? M. Stephen Bourne[1], qui a posé cette terrifiante question, s’est mis en devoir de la justifier. Nous ne pouvons reproduire ici ses nombreux tableaux, dont il a puisé les élémens aux meilleures sources, nous dirons seulement qu’il ne se borne pas à défalquer simplement le chiffre brut de l’exportation du montant des importations. Ce n’est là pour lui qu’un excédent apparent qui atteindrait pour les années 1877, 1878 et 1879 les chiffres de 3,527 millions, 3,082 millions, 2,872 millions de francs. Pour approcher plus près de la réalité, il ajoute à la valeur des marchandises importées le numéraire qui n’était pas compris dans les chiffres ci-dessus et en défalque le montant des frais de transport que ces chiffres, au contraire, renferment ; aux exportations il ajoute la valeur des approvisionnemens

  1. Trade, Population and Food : Londres, 1880, George Bell.