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choix entre de nombreuses assertions sur le peu de productivité de l’industrie agricole. Nous pourrions aussi nous appuyer sur ce fait bien connu que la propriété rurale ne rapporte que 2 1/2 à 3 0/0 du capital. Nous ne nous servirons pas de ces armes rouillées ; nous supposerons que l’agriculture est productive et que les cultivateurs sont trop intelligens pour travailler habituellement à perte. Mais ce qui est vrai, c’est que l’économie rurale n’est pas la plus avantageuse des industries : elle ne comporte pas l’emploi de la totalité du travail de l’homme, puisque souvent les bras chôment en hiver, et le cultivateur n’est pas sûr de sa récolte, puisqu’elle dépend de la bienveillance des saisons ; nous n’ajouterons pas qu’il ne peut étendre sa production à volonté, car chacun sait que les champs « manquent d’élasticité. » Mais il est bien permis de rappeler qu’il ne peut faire qu’un usage restreint des machines, ces instrumens si puissans et dont l’aide est relativement si peu coûteuse. Ce n’est pas tout. La production est rémunératrice, mais elle l’est à un faible degré ; le produit net est peu élevé, et si l’on veut forcer la culture en lui prodiguant les capitaux, chaque dépense subséquente obtient un intérêt moindre que la précédente. Enfin, last not teast, quelque écrasans que soient devenus les salaires agricoles pour ceux qui les paient, ils resteront toujours faibles pour ceux qui les reçoivent, et leur nombre est bien considérable, car le travail du sol est le plus souvent une œuvre sans art, dont la rémunération est naturellement réduite au minimum.

L’industrie manufacturière a toujours été considérée comme une abondante source de richesse. Les gouvernemens lui ont rarement ménagé les encouragemens qui, plus d’une fois prirent simultanément la triple forme de privilèges, de subventions, de « protection douanière. » Nous ne prétendons pas que ces faveurs aient toujours été réparties avec intelligence, nous ne voulons ici que signaler la tendance persistante des états à introduire de nouvelles industries, et si parfois les efforts qu’on faisait dans ce sens n’étaient pas très bien motivés, ils étaient néanmoins le résultat d’un instinct, d’un sentiment presque inconscient inspiré par la nature des choses. On n’avait souvent eu que l’intention d’attirer dans le pays une industrie de luxe, pour l’avoir sous la main, ou parce que ses produits se vendent cher et font affluer l’or et l’argent. C’était une petite raison, cela. L’industrie manufacturière, expression que nous prenons ici dans un sens assez large pour comprendre l’atelier de l’artisan, ne travaille cependant pas seulement pour le luxe, elle satisfait à de nombreux et universels besoins et jouit de l’avantage de pouvoir marcher toute l’année, sans être arrêtée par la défaveur des saisons. On ne voit ici aucune déperdition de forces. Loin d’être limitée par