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globe. Quelle marine de guerre, consacrât-elle à ce service tous ses navires, assemblerait une flotte comparable ? Comment, avec un moindre nombre, satisfaire à cette fréquence de communications qui, pour les intérêts publics et privés, devient chaque jour plus nécessaire ? Quelle proportion entre les dépenses, suivant que l’état paie à des paquebots une somme fixée par le poids des marchandises et le nombre des passagers, ou, pour le moindre transport de matériel et d’hommes, supporte seul tous les frais d’un armement ? Lors même que le commerce n’aurait pas établi de communications régulières entre la mère patrie et telle colonie trop pauvre, l’état, pour les créer, a mieux à faire que s’en charger lui-même. Sans être suffisant pour couvrir les frais d’un service de messageries maritimes, un mouvement commercial peut exister. Si le gouvernement exploite lui-même, il transportera uniquement ce qui lui est nécessaire : les autres besoins locaux ne recevront pas satisfaction, la prospérité n’aura pas chance de grandir ni la charge assumée par lui de cesser ; tout le monde y perdra. S’il subventionne une compagnie, les élémens de trafic viendront en déduction de la somme qu’il aura à payer, et cette somme fût-elle égale à ce que coûterait à lui-même l’exécution, il y gagne. L’esprit mercantile découvre, si misérables soient-elles, des sources de fret, il multiplie ses escales, il allonge ses parcours, il étudie les contrées, en voit les avantages, les annonce pour y attirer les capitaux, les hommes, il augmente ainsi le trafic dont il vit, et de toutes les stérilités qu’il explore fait sortir la richesse. Or, à mesure qu’elle grandit, non-seulement elle fait en partie retour à l’état par les canaux ordinaires, mais il obtient une diminution dans les sommes qu’il payait, et un jour peut venir où elles décroissent jusqu’à disparaître. C’est ainsi que les gouvernemens ont agi pour assurer sur tant de lignes aujourd’hui prospères les communications postales. Le développement des relations a amené la concurrence des compagnies et chaque fois que les traites pour le transport des dépêches expirent, ils sont renouvelés à des prix moins élevés.

À plus forte raison, un pays sage ne prendra-t-il pas la charge d’une flotte destinée à transporter des troupes en cas d’expédition. Ruineuse à créer et à entretenir, la plupart du temps inutile, elle serait, s’il fallait agir, mal préparée par la fixité d’effectif et de dimensions aux nécessités si variables de chaque guerre. Il a par ses contrats avec les compagnies postales le droit de requérir pour un prix déterminé les navires qu’il veut. Si ce concours ne lui suffit pas, la multitude des navires marchands lui permet de choisir les meilleurs instrumens de transport dans une flotte toujours à sa disposition et qu’il paie seulement s’il s’en sert.

Ce n’est pas assez que la marine de commerce fournisse à l’état une flotte de charge, elle peut lui fournir une flotte de guerre.