Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/907

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poids qui, portés des parties plus parfaites sur les plus faibles, permettront de donner au navire, sans accroître son tonnage, une force toujours croissante.

À en juger par les flottes de certaines nations, il ne serait pas nécessaire de réunir sur tous les navires de combat ce maximum de puissance et il y aurait place pour deux sortes de cuirassés. On construit, en effet, sous le nom de « cuirassés de station, » des navires inférieurs par le tonnage comme par les qualités militaires et nautiques, et qu’on ne destine à naviguer que dans les mers lointaines. Les navires les plus puissans de cette catégorie, ceux qui sont maintenant en chantier, ont 0m,20 de cuirasse et des canons de 24 ; la plupart portent des plaques de 0m,22 et des pièces de 0m,16 à 0m,21.

Il est sage de ne pas disperser dans des missions lointaines et permanentes les cuirassés de combat. Une guerre peut éclater si vite que le temps manque pour les réunir ; d’ailleurs, les rappeler serait priver de leur protection, quand elle serait le plus nécessaire, les postes qu’ils surveillaient durant la paix. Aussi toutes les nations les tiennent-elles rassemblés dans les eaux territoriales comme un instrument toujours à portée de la main. Il est certain aussi que les puissances navales ne doivent pas seulement se préparer aux jours terribles et passagers de la guerre. Toutes ont hors de leurs frontières des devoirs permanens : ici des colonies ; là des intérêts égaux en importance à ceux de la souveraineté, comme est la liberté du canal de Suez pour l’Angleterre ou du Bosphore pour la Russie ; ailleurs la présence et le commerce des nationaux chez des peuples de race et de civilisation différentes et souvent barbares sollicitent une protection. La meilleure et d’ordinaire la seule possible est l’envoi de vaisseaux. C’est dans cette prévision que les nations maritimes entretiennent une partie de leurs arméniens ; les unes promènent leurs navires à travers le monde et les font paraître tour à tour sur les points où il est besoin, les autres y entretiennent des stations permanentes. Mais quel rôle y jouent des cuirassés armés de pièces de 24 et protégés à 0m, 20 ? Une force offensive et une invulnérabilité semblables se trouveraient dans tout croiseur protégé par un matelas de charbon, et il joint à ces qualités la vitesse. Ni leur artillerie ni leur blindage ne pourraient être employés contre les bâtimens de combat d’une grande puissance. Les créer, c’est donc constituer une flotte impropre aux opérations de la grande guerre et attachée par sa faiblesse à des opérations limitées sur quelques points du monde.

Si l’on tient à mettre en ligne des cuirassés inférieurs, il y a quelque chose de plus simple, de plus économique et de plus rapide que les créer : c’est de se servir de ceux qu’on a. Toute puissance