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aussi est souvent désolée par des sécheresses dont nous n’avons pas l’idée, et cependant c’est un des pays les plus florissans du globe. On fut longtemps avant de bien apprécier le caractère du climat algérien; pendant les premières années, on voulut cultiver cette terre à la façon de celles des tropiques : on rêvait de grandes fortunes avec la plantation du coton, et l’on ne s’avisait pas que la vigne donnerait dix ou vingt fois le revenu du cotonnier. C’est à peine si, depuis sept ou huit ans, on a reconnu combien il serait profitable d’implanter en Algérie la vigne qui est cependant pour nous presque un arbuste national. L’implacable phylloxéra, chassant devant lui nos vignerons du Sud-Est, a révélé à nos colons l’importance de la viticulture et a fourni à l’Algérie en abondance les premiers viticulteurs du monde, les émigrans de l’Hérault, du Var et des départemens voisins.

On ne peut guère compter qu’il y ait en Algérie plus de 11 à 12 millions d’hectares de terres cultivables; c’est à peu près le tiers de celles qui sont en culture dans la France continentale. Sur ces 11 ou 12 millions d’hectares, les Européens possèdent plus du dixième et probablement les meilleures. En 1879, ils en détenaient 1,012,333 hectares; depuis lors, cette superficie a dû s’accroître de 150 à 200,000. Ce sont les pâturages d’abord, puis les céréales qui occupent la plus grande partie de ces espaces. Le nombre des têtes de bétail est évalué, pour 1880, à 12,201,000, dont 7 millions environ de moutons, 3,300,000 chèvres, 1,163,000 bêtes de race bovine ; le reste se composerait de chevaux, de mulets, d’ânes, de chameaux (212,289) et de porcs. On sait tout ce que ces statistiques agricoles ont d’incertain ; aussi ne prenons-nous ces chiffres que comme des évaluations. Ils n’indiquent pas, à coup sûr, une culture bien avancée. Le nombre extraordinaire des chèvres, la rareté des chevaux (155,000) et des mulets (136,000) montrent tous les progrès qu’il reste encore à effectuer; mais il s’agit ici d’une contrée hier complètement barbare et aujourd’hui même aux trois quarts inculte. Avec le temps et le développement des bonnes méthodes agricoles, les chèvres devront diminuer et céder la place soit aux brebis, soit aux bœufs. Quand on voit combien la culture est encore défectueuse sur certains plateaux de la France méridionale ou centrale, on n’a pas le droit d’adresser aux Algériens des reproches trop vifs.

Dans la campagne de 1879-80, on a ensemencé en céréales 2,878,000 hectares : c’est une superficie qui reste à peu près toujours la même; elle est très légèrement inférieure à celle de 1876 et de 1877; la sécheresse a singulièrement réduit le rendement, qui ne s’est élevé qu’à 16 millions de quintaux métriques, 21 ou 22 millions d’hectolitres environ, soit, eu moyenne, 5 quintaux