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semblé qu’à âge égal, il y eût aucune supériorité d’intelligence naturelle ou d’instruction chez ceux que j’interrogeais par rapport aux enfans de Paris. Quant à l’installation matérielle de ces écoles, elle est très certainement supérieure à celle de la moyenne de nos écoles parisiennes, des plus anciennes surtout ; les salles de classe sont plus vastes, plus aérées, la fourniture du mobilier scolaire surtout est plus complète. Ce mobilier comprend des instrumens de physique inconnus, je le crois du moins, dans nos écoles. Les enfans, au lieu d’être assis à la file et serrés les uns contre les autres sur des bancs de bois, ont chacun leur pupitre et leur petit siège. Mais cette disposition, excellente à tous les points de vue, a été adoptée dans celles de nos écoles qui sont le plus récemment construites, et je ne crois pas qu’entre nos plus nouveaux bâtimens scolaires et ceux de Boston il existe de bien grandes différences. En un mot, la grande supériorité des Américains en matière d’enseignement primaire me paraît être d’avoir pris les devans ; mais je ne crois pas que nous soyons, d’ici à quelques années, bien loin de les avoir complètement rejoints.

Deux choses donnent cependant à ces écoles un aspect tout différent des nôtres. La première, c’est la grande quantité d’enfans nègres mêlés aux enfans blancs. Le préjugé ne les exclut pas ici comme à Philadelphie, où il n’est pas possible de mêler dans une école de réforme les enfans des deux couleurs. Ces petites têtes crépues, avec leurs dents blanches et leurs yeux brillans, donnent un aspect très pittoresque à l’école. Ce ne sont pas les élèves les moins intelligens et les moins précoces, ni ceux dont les maîtresses se louent le moins. Je dis intentionnellement les maîtresses, car (et c’est là le second trait dont je parlais) presque toutes les écoles, même celles de garçons, sont tenues par des femmes. L’inconvénient est assurément beaucoup moins grand de faire instruire des garçons par des femmes que de faire instruire, comme chez nous, (je parle de nos écoles de campagne) des filles par les hommes. A la tête de chaque école de garçons, il y a cependant un head master et généralement deux maîtres adjoints, qui s’occupent des classes supérieures, car chaque école comprend plusieurs classes; mais ce sont partout des femmes, souvent des jeunes filles, qui font les classes inférieures, et c’est un spectacle fort curieux de les voir commander à des garçons parfois aussi grands qu’elles. Mon guide m’a assuré qu’on avait fort à se louer de ce système et que les garçons témoignaient volontiers plus de déférence et de docilité vis-à-vis de leurs institutrices que vis-à-vis de leurs instituteurs. D’après le peu que j’en ai vu, j’ai été tout disposé à l’en croire sur parole.

Si la comparaison des primary schools et des grammar schools avec nos salles d’asile et nos écoles primaires est tout indiquée,