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LA
COLONISATION DE L’ALGÉRIE

EUROPEENS ET INDIGENES.

Notre grande colonie d’Afrique a aujourd’hui cinquante-deux ans d’âge; elle sort de l’enfance proprement dite; la voilà, selon nous, entrée dans l’adolescence. Elle est dans une de ces époques critiques où les fautes ont une gravité singulière et se répercutent sur toute la durée de l’existence d’une nation. Depuis qu’un événement imprévu amena l’armée française sur le territoire d’Alger, nous avons suivi en Afrique bien des politiques diverses. Il nous a fallu conquérir laborieusement le pays, ce qui n’a guère pris moins de trente ans, si l’on considère l’occupation de la Kabylie comme la fin de la conquête. Nous avons souvent varié et de desseins et de moyens, ne sachant pas au juste quelle devait être notre œuvre africaine. Tour à tour nous semblions vouloir nous contenter de la simple prise de possession, ou de la colonisation restreinte; un moment après, il semblait que nous voulussions refouler complètement les indigènes; nous revenions ensuite de cette idée et parlions de constituer un royaume arabe ; puis nous nous rangions au système de la colonisation complète de tout le territoire par l’élément européen, et de la pénétration même du Sahara jusqu’au Soudan. Nos rapports avec les indigènes ont été aussi variables, sous l’influence des sentimens les plus contraires; tantôt bienveillans et